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UNE MISSION A PÉKIN


I

Chargé par le roi des Belges de négociations diplomatiques entre la Chine et l’Etat indépendant du Congo, dont Sa Majesté est le souverain, je partis de Marseille à la fin d’avril 1898, avec le personnel qui composait ma mission.

L’Australien des Messageries maritimes, par un rapide parcours en Méditerranée, nous fait successivement apercevoir les côtes de la Corse et de la Sardaigne, de la Sicile et de la Calabre, de la Crète et de l’Egypte. Dans la traversée du canal de Suez, notre grand navire paraît tout disproportionné sur ce filet d’eau ; pendant la navigation de la Mer-Rouge, le thermomètre monte à des hauteurs inquiétantes ; la longue étape de la mer des Indes nous amène pour quelques heures d’escale à Colombo. Une nuit seulement dans l’île de Ceylan, c’est peu ; mais je conserve un souvenir très caractéristique de cette arrivée dans un grand hôtel où des Hindous, tout de blanc habillés, les cheveux relevés par deux peignes, glissent sans bruit pour vous servir ; où d’immenses pankas agitent l’air dans les salles pour donner un peu de fraîcheur ; où des Messieurs en veston blanc, vautrés, les jambes en l’air, dans de profonds rocking-chairs, semblent se demander, en fumant des cigares, comment ils feront pour se traîner jusqu’à leur lit. Nous allons en promenade nocturne dans ces fiacres d’Extrême-Orient, pousse-pousse ou riksiaw, selon les pays, victorias minuscules à deux roues que tire un coureur nerveux, aussi rapide qu’un cheval, aussi élégant de formes qu’un