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M. de Cavour se montra satisfait ; il aurait eu mauvaise grâce à ne pas l’être. Vit-on jamais pareilles exigences et tant de condescendance à les satisfaire ?

Ce fut le premier nuage qui, dès le début de la campagne, s’éleva entre les deux alliés, en attendant les scènes violentes que la conclusion de la paix devait provoquer à Villafranca.

Nos régimens arrivaient pêle-mêle, par terre et par mer, se débrouillant de leur mieux, sans direction et sans approvisionnemens, gardant leur entrain et leur belle humeur. Les soldats chantaient pour tromper la faim et se consoler de leur désarroi :

« Mourir pour l’Italie,
C’est le sort le plus beau.
Le plus digne d’envie. »

Il ne dépendait que de la décision du général Giülay de jeter la déroute dans nos campemens improvisés. Mais, au lieu d’aller de l’avant, il laissa à nos états-majors, par un changement subit de tactique, le temps de se reconnaître et de procéder à la formation des corps. Le combat de Montebello, qui déjà marquait dans nos fastes militaires, inaugura glorieusement la campagne. Bientôt l’armée, laissant les Autrichiens dans l’incertitude du point d’attaque, opéra un mouvement tournant qui les obligea à se replier sur le Tessin et à évacuer le territoire piémontais. Le Roi avait combattu héroïquement à Palestro. Les zouaves, qui étaient accourus au moment où ses troupes devenaient hésitantes, le saluèrent, émerveillés de sa bravoure, « premier soldat de leur régiment. » La bataille de Magenta, livrée le 4 juin, après les combats de Turbigo et de Buffalora, ouvrit définitivement le passage du Tessin et la route de Milan. Le 8 juin, l’Empereur fit son entrée aux côtés du roi de Sardaigne dans la capitale de la Lombardie, tandis que nous remportions un nouveau succès à Melegnano. Les deux souverains furent accueillis en triomphateurs. C’était, autour d’eux, plus que de l’enthousiasme, le délire inénarrable de la délivrance ! Napoléon III adressa deux proclamations, l’une aux soldats qui avaient si vaillamment combattu, l’autre aux Italiens. Frappé du peu d’empressement que ceux-ci mettaient à prendre les armes[1], il s’adressait à leur patriotisme et leur

  1. Garibaldi, en attaquant les Autrichiens à Varese, n’avait pu réunir encore que 3 000 volontaires.