Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/605

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en faisant accepter des concessions illusoires comme une satisfaction suffisante à des espérances que les paroles de Votre Majesté et l’attitude de la Sardaigne y ont excitées depuis trois mois.

« Le comte Walewski se trompe : quelle que soit l’issue du congrès, nous aurons bien de la peine à persuader aux Italiens de s’en contenter ; mais il doit en résulter des faits plus importans que ceux que Votre Majesté a bien voulu indiquer dans l’écrit qu’elle a daigné me communiquer ; il s’ensuivra une terrible catastrophe. Le Roi se trouvera acculé entre une folie ou une lâcheté. Il ne lui restera d’autre ressource que de descendre du trône pour aller mourir dans l’exil comme son père ; les ministres, moi surtout, sinon exclusivement, nous deviendrons l’objet de l’indignation du public, et ce qui pourra nous arriver de moins malheureux, ce sera d’aller cacher dans quelque obscure retraite nos têtes frappées de réprobation par nos malheureux concitoyens. Cette catastrophe est inévitable, si le comte Walewski peut réaliser ses projets. En effet, n’a-t-il pas déclaré devant Votre Majesté, contrairement à ce qu’Elle avait bien voulu me dire quelques heures auparavant, que la demande de la démolition des fortifications de Plaisance était à peine soutenable, que tout ce que les puissances pouvaient établir, c’était le principe d’une confédération posée sur des bases libérales ? Mais, si le comte Walewski va au congrès avec ces idées, nous sommes perdus sans retour. Cette idée ne peut être accueillie par l’âme généreuse de Votre Majesté. Elle ne peut vouloir que le plus fidèle, ou pour mieux dire le seul allié que Votre Majesté ait en Europe, tombe victime de la diplomatie, après avoir en quelque sorte remis entre les mains de Votre Majesté sa couronne, sa vie, et sa famille. Que Votre Majesté daigne rappeler à son souvenir ce qui s’est passé, il y a un an, et Elle verra combien le Roi, le Piémont méritent peu le sort que leur prépare le comte Walewski.

« Au premier appel qu’a fait Votre Majesté, le Roi a répondu avec la plus entière confiance. Sans s’inquiéter des dangers auxquels il s’exposait, il a accepté sans réserve les propositions que Votre Majesté lui a adressées. Tout ce que Votre Majesté a bien voulu m’indiquer à Plombières a été sanctionné par lui, et, depuis mon retour, tous ses actes, comme tous ceux de son gouvernement, ont été concertés d’avance avec Votre Majesté.

« Le Roi désire ardemment de continuer à marcher dans un parfait accord avec Votre Majesté. Tout ce qu’il demande, c’est de