Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même dans le parc de Versailles, suivant une habitude qu’on avait eu le tort de lui laisser prendre, alors qu’elle était encore en éducation. Elle errait jusqu’au matin dans les jardins et les bosquets, et ses dames du palais ou ses jeunes amies n’étaient point, comme à la Ménagerie, seules à l’accompagner. Souvent encore, par une étouffante journée de juillet ou d’août, elle faisait établir des tentes à Marly au bord de la rivière, y prenait un bain prolongé, et, se couchant ensuite sur un lit de repos, elle y restait fort avant dans la nuit, le plus souvent à jouer avec ses dames. Ainsi s’écoulait sa vie, année par année, dans les divertissemens de toute sorte, sans qu’une pensée sérieuse semblât traverser cette jeune tête, et livrée à une dissipation qu’elle devait, nous aurons à le raconter, pousser jusqu’à l’imprudence et la légèreté.


IV

Il était inévitable que cette existence de plaisirs sans trêve finît par éprouver la santé de la duchesse de Bourgogne. Elle était naturellement délicate et menait un détestable régime. Sans parler des maux de dents auxquels elle était sujette et dont elle se plaint continuellement dans ses lettres à sa grand’mère (« Ma santé seroit parfaite, écrit-elle, sans les Quêtions »), elle avait de fréquentes indispositions que Dangeau qualifie de migraines et qui auraient mérité un autre nom. Mme de Maintenon dit en effet, dans sa langue toujours mesurée, qu’elle avait de fréquentes indigestions sans qu’il fût juste d’accuser son estomac. La fièvre, qui était le mal du temps, la prenait souvent aussi. Pour en couper les accès ou en prévenir le retour, elle prenait force quinquina, qui était le remède nouveau, adopté non sans contestations. Il était très difficile d’obtenir qu’elle se soignât, et Mme de Maintenon, toujours vigilante, s’inquiétait de ses imprudences. L’événement faillit ne lui donner que trop raison. Au mois d’août 1701, la duchesse de Bourgogne tomba gravement malade pour s’être baignée imprudemment, assure Saint-Simon, et avoir ensuite mangé trop de fruits. Un violent frisson l’avait prise à Saint-Cyr où elle se trouvait, et il avait fallu qu’elle revînt en diligence à Versailles pour se coucher. Le lendemain, la Cour devait partir pour Marly. Bien qu’ayant encore la fièvre, elle s’y fit transporter, ne pouvant se résoudre, dit Sourches, « ni à quitter le Roi, ni à lui ôter le