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M. d’Armenonville, récemment nommé capitaine du bois de Boulogne, improvisait également dans son pavillon de la Meute[1] une fête où se trouvaient réunis tous les plaisirs dont la Princesse était avide : danse au son des hautbois, « ambigu dont la délicatesse des mets et la beauté des fruits ne laissaient rien à désirer[2], » mais surtout promenade à cheval dans le Bois, car c’était en amazone que la duchesse de Bourgogne était venue surprendre M. d’Armenonville, accompagnée d’une vingtaine de dames en amazone également. La promenade à cheval était en effet un nouveau plaisir que la duchesse de Bourgogne avait découvert, et auquel elle se livrait avec son ardeur coutumière. Il n’en avait pas fallu davantage pour mettre ce plaisir à la mode, et pour que les jeunes dames de la cour se piquassent d’équitation. La coquetterie trouvait son compte à ce nouveau plaisir. Pour monter à cheval, la duchesse de Bourgogne s’était commandé en effet un costume qu’elle jugeait sans doute fort seyant, car elle ne perdait aucune occasion de se le mettre. Un jour (il est vrai que c’était avant de partir pour la chasse), elle voulut tenir, ainsi vêtue, sur les fonts baptismaux le fils du concierge de Versailles. Mais le curé de la paroisse, trouvant que le costume n’était pas décent, la renvoya, « et il fut approuvé, » ajoute Dangeau. Le même Dangeau nous assure que la duchesse de Bourgogne montait à ravir. Nous n’avons point de raison d’en douter, car elle faisait toute chose avec une grâce naturelle. Mais elle ne devait pas goûter longtemps ce plaisir, qui lui fut interdit comme nuisible à sa santé. Alors elle se dédommagea en organisant des parties à âne à la Ménagerie.

La Ménagerie tenait une place de plus en plus grande dans Inexistence de la duchesse de Bourgogne. C’était l’année même de son arrivée en France que le Roi avait fait disposer pour elle cet ancien petit château, situé dans le parc de Versailles, à l’une des extrémités du grand canal, vis-à-vis de Trianon. Il voulait qu’elle eût, comme plusieurs autres princesses du sang, un endroit à elle où il lui fût loisible d’aller se divertir librement. On voit, dans ses lettres à sa grand’mère, la joie enfantine que lui cause cette attention du Roi, et l’importance qu’elle prend à ses propres

  1. Le Mercure écrit la Meute, mais il disserte ensuite sur la question de savoir si le nom véritable et primitif n’était pas la Muete, tirée du latin a mutando, parce qu’il y avait, dans toutes les forêts où l’on chassait, des habitations disposées pour y mettre des chiens de rechange. On écrit aujourd’hui la Muette.
  2. Mercure de France, octobre 1707, p. 322, 323.