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brelan, le lansquenet, tout l’amusait, et comme si ce n’eût été assez de ces trois jeux, il fallut que Dangeau lui apprît le reversis. Dangeau passait pour être un habile joueur et pour avoir, fort honnêtement au reste (on n’en pouvait pas dire autant de tous les courtisans), arrondi au jeu sa fortune. On n’aurait su trouver un meilleur maître. C’est discrètement qu’il parle dans son Journal des leçons qu’il lui donna, et qui la divertirent quelques jours.

Le reversis, qui était surtout un jeu de dames, ne devait point conserver grand attrait pour la Princesse. Sa passion, son danger, c’était le lansquenet. Comme la duchesse de Bourbon, elle devait y faire de grosses pertes et, comme la duchesse de Bourbon, elle se trouva dans l’embarras pour payer. Cet embarras dut lui être d’autant plus sensible que non seulement elle était belle joueuse, mais encore (Saint-Simon fait d’elle cet éloge) « nette et exacte » dans le règlement de ses dettes. C’est encore à l’intermédiaire bienfaisant de Mme de Maintenon que nous la voyons avoir recours. La lettre qu’elle lui adressait à cette occasion est bien connue. Nous ne pouvons cependant résister au plaisir de la citer tout entière, car on y voit apparaître la petite princesse telle qu’elle était à quinze ans, avec sa vivacité de sentimens, sa légèreté de conduite, et sa chaleur de cœur.


A Madame de Maintenon.


Ce vendredi à minuit, mai 1700.

« Je suis au désespoir, ma chère tante, de faire toujours des sottises, et de vous donner lieu de vous plaindre de moy. Je suis bien résolue à me corriger et de ne plus jouer à ce malheureux jeu qui ne sert qu’à nuire à ma réputation et à diminuer vostre amitié, ce qui m’est plus précieux que tout. Je vous prie, ma chère tante, de n’en point parler, en cas que je tienne la résolution que j’ay prise. Si j’y manque une seule fois, je serai ravie que le Roi me le défande, et d’éprouver ce que une telle impression peut faire contre moy sur son esprit. Je ne me consolerai jamais d’estre la cause de vos maux, et je ne pardonnerai point à ce maudit lansquenet.

« Pardonnés-moy donc, ma chère tante, mes faultes passées. J’espère que dorésenavant ma conduite reparera généralement mes sotises, et que je mériterai vostre amitié. Tout ce que je souhaitteroys au monde, ce seroit d’estre une princesse estimable