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comtesse d’Ayen, Mlle de Melun, mon fils, le comte d’Ayen, deux home à M. de Noaille, Duché, Rousseau et Baron le père. Je vous assure, Monsieur, qu’ils ont fait des merveilles. Cela se joue tout à fait en particulier chez Mme de Maintenon. Ainsi le Roy m’a permis de la voir. J’ay estes surprise de voir comme il jouait tous bien. Ce traistre de Baron joue mieux que jamais, mais je suis sûr que V. M. serait estonnée de voir corne mon fils joue et le comte d’Ayen. Je suis sûr que si vous avies veüe, Monsieur, cette comédie, qu’elle vous orait coustée des larmes. J’y ay pleurée come une folle, et le Roy n’estoit pas loin de quelques larmes aussi. Le sujet de la comédie, c’est la mort d’Absalon, mais on y a changés quelque chose pour la rendre plus touchante. On feind qu’Absalon vient blecés (blessé) et meurt devant le Roy son père, devant sa famé et sa fille. C’est mon fils qui est David et le comte d’Ayen Absalon, la comtesse d’Ayen Thares, fame d’Absalon, qui a le plus beau rôle de tous, et, elle le joue à merveille. Mme la duchesse de Bourgogne est la fille d’Absalon et de Thares, Mlle de Melun est la Reine, Baron Achitophel. Après la grande pièce ils ont joués une petite où M. le duc de Berry estoit un amant et le petit comte de Noailles un autre. Pour ces deux ils jouent à faire mourir de rire. Mon fils estoit un fourbe, un valet qui cort (sort) des galères. Les maistresse estoit Mme la duchesse de Bourgogne et la comtesse Destré (d’Estrées). Mme la duchesse de Bourgogne joue mieux le cerieux que le comique, mais la comtesse Destré joue fort bien. La petite pièce ne vaut pas grand chose, mais on ne laisse pas que dy rire[1] ? »

Absalon fut joué encore deux fois dans les mêmes conditions. Mise en goût par le succès, la duchesse de Bourgogne voulut s’attaquer à une œuvre plus difficile. Elle entreprit de monter et de jouer Athalie. Cette fois les choses n’allèrent pas toutes seules. La Beaumelle, l’éditeur peu scrupuleux des lettres de Mme de Maintenon, auquel on n’en doit pas moins une grande reconnaissance pour les avoir le premier sorties au jour[2], a publié une

  1. Cette petite pièce paraît avoir été la Ceinture magique de Rousseau.
  2. Dans une publication récente et très intéressante : La Beaumelle et Saint-Cyr, d’après des correspondances inédites et des documens nouveaux, M. Taphanel, conservateur à la bibliothèque de Versailles, a entrepris la justification de La Beaumelle et il y a en partie réussi. Sans doute il n’a pas démontré que le texte des lettres publiées par La Beaumelle fût authentique ; mais il a établi que ces falsifications qui lui ont été si souvent reprochées ont été approuvées, encouragées, suggérées par les dames de Saint-Cyr qui étaient en possession des originaux. Il a établi également qu’il avait été en relations intimes avec plusieurs religieuses de Saint-Cyr qui, elles-mêmes, avaient personnellement connu Mme de Maintenon, et que, par conséquent, certains mots célèbres qu’il lui a prêtés pourraient bien être parfaitement authentiques, bien qu’il ait inséré ces mots dans des lettres évidemment fabriquées ou altérées. Sans adopter toutes les conclusions de M. Taphanel, nous croyons cependant que les historiens de l’avenir pourront se servir de la publication de La Beaumelle avec moins de défiance que par le passé. Il paraît avoir été plutôt un habile metteur en œuvre qu’un falsificateur proprement dit.