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Bourgogne un divertissement trop fade. Elle voulut la jouer elle-même. On se souvient qu’avant son mariage elle avait sollicité et obtenu de remplir le rôle d’une jeune Israélite dans une représentation d’Esther à Saint-Cyr. L’idée lui vint de paraître de nouveau sur la scène, et, comme ni le Roi ni Mme de Maintenon ne savaient rien lui refuser, un théâtre fut organisé pour elle dans le cabinet de Mme de Maintenon. À la vérité, elle n’y jouait point, comme la duchesse du Maine, en habit de comédienne et en plein public. C’était une sorte de théâtre en famille, dont les princes et princesses composaient presque tout l’auditoire, et auquel de rares courtisans considéraient comme une grande faveur d’être admis. La première pièce où joua la duchesse de Bourgogne en 1699 fut Jonathas, « comédie de dévotion, » dit Dangeau[1], et que le Dictionnaire des théâtres de Leris qualifie de « tragédie en trois actes, avec des chœurs composés par Duché, pour être représentée à la Cour et à Saint-Cyr. » Les acteurs étaient, avec la duchesse de Bourgogne, le comte et la comtesse d’Ayen, celle-ci nièce de Mme de Maintenon, et d’autres membres de la famille de Noailles. À la première représentation il n’y avait, comme spectateurs, en plus du Roi et de Mme de Maintenon, que Monsieur, les dames du palais de la duchesse de Bourgogne et le capitaine des gardes en quartier. La pièce parut fort touchante au Roi. Aussi y eut-il une seconde représentation, à laquelle assistèrent cette fois Monseigneur, la princesse de Conti et le duc du Maine. Chamillart, qui devait, au sortir de la représentation, travailler avec le Roi, ainsi qu’il le faisait tous les dimanches, obtint cependant la faveur de pénétrer dans la salle, ainsi que Dangeau et son fils, le jeune marquis de Courcillon. « Le comte et la comtesse d’Ayen jouèrent leurs rôles à merveille, » dit Dangeau, et comme il ne parle point de la duchesse de Bourgogne, il est à présumer que celle-ci se montra, pour ses débuts, actrice assez médiocre.

Elle ne se découragea pas cependant, et, après avoir joué une seconde fois Jonathas en 1700, elle joua en 1702 Absalon, « tragédie tirée de l’Écriture sainte. » Cette tragédie avait pour auteur le même Duché, (membre de l’Académie française, et auteur assez médiocre, qui, après avoir débuté par des poésies frivoles, s’était adonné, pour gagner la faveur de Mme de Maintenon, à la fabrication de pièces religieuses. Les répétitions occupèrent

  1. Dangeau, t. VII, p. 205.