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divertissemens de la duchesse de Bourgogne. Ce n’est pas elle qu’il faut accuser de frivolité. En continuant, malgré les revers publics et les deuils privés, sa vie de plaisirs, elle ne faisait que se conformer aux volontés du Roi. Si surprenante que cette attitude nous paraisse aujourd’hui, si contraire qu’elle soit à notre sensibilité moderne, il faut reconnaître chez celui qui savait cacher, derrière cette impassibilité apparente, les souffrances de son immense orgueil une force de caractère qui ne laisse pas d’avoir quelque grandeur.


II

On ne pouvait pas danser toujours. Il y avait le carême. Il y avait aussi le séjour annuel de la Cour à Fontainebleau. La danse était le plaisir de Versailles ou de Marly ; la comédie, le plaisir de Fontainebleau. Durant les mois de septembre et d’octobre, que la Cour y passait tous les ans, il y avait représentation presque tous les soirs. Il est rare que le Mercure ne donne pas le nom des pièces, et l’on sait ainsi par lui quels étaient les auteurs en vogue. C’était d’abord « le sieur Racine, » dont on jouait souvent les principales « comédies » : Phèdre, Mithridate, Andromaque, Britannicus, Iphigénie, les Plaideurs. « M. Corneille l’aîné » était au contraire assez délaissé. On ne représentait guère de lui que Rodogune, Sertorius, les Horaces, et l’on faisait des emprunts tout aussi fréquens au répertoire de son frère Thomas. On jouait aussi le Wenceslas de Rotrou. Parmi les auteurs comiques, c’était Molière qui tenait le premier rang avec les Précieuses ridicules, le Médecin malgré lui, le Bourgeois gentilhomme, le Misanthrope, l’École des Femmes. A plusieurs reprises, Louis XIV laissait même représenter devant lui, par ses comédiens ordinaires, Tartufe, qu’il interdisait trente-six années auparavant. À cette époque de sa vie, où il était devenu sincèrement pieux, il ne lui semblait pas que la satire de l’hypocrisie présentât quelques dangers. On jouait aussi le Joueur, le Grondeur, l’Avocat Patelin. Enfin, parfois on remettait sur la scène de vieilles pièces de Scarron, entre autres Jodelet maître et valet, sans que la veuve de l’auteur parût en éprouver le moindre embarras ; et ceci détruit, soit dit en passant, la légende créée par Saint-Simon de Racine disgracié pour s’être oublié à prononcer devant Louis XIV le nom de son prédécesseur. Mais, si Mme de Maintenon ne ressentait ou ne témoignait aucun