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boudhisme, à la suppression de l’action et à l’anéantissement de la pensée ; il ne verse pas, comme quelques sectes chrétiennes, dans l’ascétisme. Le Persan a le goût le plus vif de la vie et de l’action. Ce n’est pas dans la résignation, mais dans la lutte, qu’il fait consister la vertu. Multiplier la vie et les œuvres de vie, c’est accroître le domaine de Dieu. La vie est le moyen qu’il nous a donné pour mériter les récompenses de l’éternité. « Quelles sont, demande Zarathustra, les trois choses qui causent le plus de joie à la terre ? — C’est d’abord, répond le dieu, la piété de l’homme juste ; puis c’est là où un homme juste se bâtit une demeure, pourvue de feu, pourvue de bétail, de femmes, d’enfans et de gens de service excellens ; la troisième, c’est là où se cultive le plus de grains, d’arbres, de pâturages et d’arbres portant des fruits, où l’on arrose les terrains secs et l’on dessèche les terrains humides. » Qui sème le blé, sème la sainteté ; il fait marcher la loi de Mazda. L’homme marié, dit encore le législateur, est préférable à celui qui ne l’est pas, le père de famille à celui qui n’a pas d’enfans, le possesseur de terre à celui qui n’en a point.

La loi de Mazda est une loi de pureté. Ce n’est pas seulement la pureté rituelle qu’elle prescrit, mais la pureté en paroles, en pensées et en actions. Il n’est pas de recommandation qui revienne plus souvent dans l’Avesta. Elle condamne sévèrement la prostitution, l’infanticide, les manœuvres abortives, la séduction des jeunes filles. Les démons s’emparent du coupable et le rendent totalement impur. Il n’est pas étonnant que ces maximes aient plu aux Romains, qui multipliaient les lois contre le célibat, la dépopulation de l’Italie, la ruine de l’agriculture et l’extension menaçante des terres infertiles. La religion prêtait au législateur son autorité pour conjurer un mal, qu’aucun remède ne semblait plus pouvoir enrayer.

Sans doute, il serait téméraire de conclure à l’identité absolue de la doctrine avestéenne et de l’enseignement donné dans les mystères de Mithra. Il serait plus injuste encore de nier toute transmission de l’une aux autres. L’Avesta est une morale bien plus qu’une mythologie. Autant l’une est indigente, autant l’autre est riche en préceptes d’une rare élévation. Seule celle-ci méritait de vivre et a vécu. Tout ce que nous savons par les anciens de l’histoire et de la morale du mithriacisme, le témoignage peu suspect que lui rendent les auteurs chrétiens eux-mêmes, établit et fortifie cette concordance. Jusqu’à nos jours, les