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anciennes ont commencé par être des dieux de l’atmosphère et de la lumière. Zeus est le frère très reconnaissable de l’Ormuzd persan, du Varouna et de l’Indra védiques. Par une série de dédoublemens, le génie plastique et anthropomorphique des Grecs multiplia ses dieux et mit en drame et en action la physique céleste. Et voici qu’à la fin des temps, grâce à des simplifications facilitées par l’identité de nature, ces dieux retournent à l’unité première. Ces fils de la lumière s’absorbent dans le grand luminaire, foyer de toute clarté. On notera que ce syncrétisme ne date pas du IVe siècle ; il fut de tout temps dans le génie de la Grèce et de Rome. Déjà, par un premier travail de simplification, l’hellénisme s’était imposé aux Latins et les deux mythologies s’étaient confondues. Rome, à son tour, avait transformé en ses propres divinités les dieux des peuples qu’elle avait conquis. Même la Tanit de Carthage, elle l’avait revêtue du nom et des attributs de la Junon céleste.

Avec les dieux orientaux, la fusion fut plus malaisée ; leur exotisme, dérouta d’abord les imaginations, mais, à la longue, les dissemblances en vinrent si bien à s’atténuer que le Jupiter du Latium ne différa plus sensiblement de Sérapis et de Mithra. Celui-ci profita de la vogue des divinités solaires sous Elagabal et Aurélien. Il advint que les dieux-soleil se résumèrent en un seul nom, qui fut celui de Mithra, en raison de la diffusion de ses mystères. Dès lors, c’est à lui que, même par des détours subtils, tous les grands dieux finissent pas se ramener. Julien, dans son traité du « Roi-Soleil, » esquisse déjà cette synthèse et montre comment la plupart des divinités de l’Orient et de l’Occident rentrent, en fin de compte, l’une dans l’autre et peuvent se réduire au seul Mithra. Mais le théoricien par excellence du syncrétisme païen fut Macrobe. Ses Saturnales en sont le manifeste. Dans ce dialogue, imité de ceux de Platon, l’homme qui, par le prestige de son rang, par son autorité et par sa science sacerdotale, dirige la conversation et donne le ton aux débats, n’est autre que Prætextatus, le préfet de Rome et le Père des pères du culte de Mithra. Lui aussi, s’évertue à démontrer l’identité de ces divinités que l’ignorance et les préjugés ont seule séparées et adorées sous des noms différens.

En même temps et par des voies concordantes, la philosophie néo-platonicienne aboutissait aux mêmes conclusions. Mêlant l’astrologie aux spéculations théologiques et la théurgie à la dialectique, elle proclame l’Un, principe de toute chose, dont la