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Mnémon, s’achève la trahison des dieux nationaux. Deux des Izeds avestéens, Mithra, le génie de la lumière, Anahita, le génie des eaux courantes, dispensatrices de fécondité, se prêtaient à l’assimilation avec les dieux de la Chaldée. Artaxercès imposa le premier à l’adoration de ses sujets et dressa à Suze, à Ecbatane, à Babylone, et jusqu’à Damas et à Sardes, les statues du nouveau couple, Mithra et Anahita, conçu sur le modèle des couples babyloniens d’Istar, l’Aphrodite chaldéenne, et de Mardouk, le dieu solaire et démiurge. A leurs temples il affecta d’immenses revenus et il attacha au service de la déesse des milliers d’hiérodules des deux sexes, voués aux prostitutions sacrées.

Le culte d’Ormuzd n’est point pour cela délaissé. Les inscriptions achéménides nous le montrent associé tantôt à Mithra, tantôt à Mithra et à Anahita. Mais, dès lors, il commence à s’effacer, sans jamais disparaître, et à s’éclipser devant l’éclat de son coadjuteur, Mithra, identifié de plus en plus par la foule avec le soleil. C’est une fête complètement sidérale dont Quinte-Curce nous dépeint l’ordonnance, sous Darius Ochus, l’adversaire d’Alexandre. La fusion s’est consommée entre les religions de la Perse et de la Chaldée. Si donc, plus tard, dans les mystères de l’Occident, Mithra nous apparaît dégagé de toute promiscuité féminine, le plus austère dans son culte et dans ses symboles de tous les dieux de l’antiquité, nous sommes conduits à conclure à une séparation violente du dieu perse d’avec sa conjointe, à une sorte de réforme puritaine qui ramena Mithra à la pureté des conceptions avestéennes. Cette réforme, nous n’en connaissons ni le temps, ni le lieu ; elle s’opéra probablement sous la domination des successeurs d’Alexandre, au sein d’une de ces sectes, qui, comme les zerwanistes unitaires, naquirent de la ruine du magisme. Anahita, seule et sans son acolyte, resta la déesse-nature adorée surtout en Arménie, en Cappadoce, dans le Pont et la Comagène. Mithra semble être resté le dieu des Parthes, de Tiridate et de Vologèse, un Mithra tout persan par les directions de sa morale et le caractère de sa doctrine, chaldéen par la forme de ses dogmes et son symbolisme astronomique.


III

La première étape du culte de Mithra, hors de sa patrie d’origine, fut la Phrygie. Il ne nous reste aucun document de ce