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I

Si nombreuses que soient les greffes qu’ait subies le culte de Mithra, au cours de ses pérégrinations, il tient à l’Orient par toutes ses racines. C’est de l’Orient qu’il a reçu la sève qui a nourri jusqu’à ses derniers rameaux, la forme de ses dogmes, ses symboles, la morale dont il est pénétré. Etudier le mithriacisme, abstraction faite de ses origines, c’est s’exposer à en méconnaître les tendances et la portée. Mais ces origines mêmes sont complexes. Un regard jeté sur les monumens mithriaques suffit pour y découvrir des influences iraniennes et des influences chaldéennes. Le taureau immolé par Mithra, qui occupe le centre de presque toutes ces compositions, est bien le taureau des légendes zoroastriennes ; mais à des signes certains on le reconnaît aussi le taureau astronomique de Babylone. Les animaux figurés auprès de lui, le chien, le corbeau, le serpent, sont ceux de l’Avesta ; mais les douze signes du zodiaque, qui ornent le cintre des monumens, les sept planètes qui en parsèment le champ, manifestent la religion sidérale, qui fut celle de Ninive et de la Chaldée. Les Romains ne s’y sont pas mépris. Ils donnent indifféremment à Mithra l’épithète de Persan et de Chaldéen : Ammien Marcellin qui accompagna Julien dans ses campagnes, assure que Zoroastre emprunta aux mystères de la Chaldée une partie de sa doctrine. Il se trompait assurément ; mais seulement sur le nom de l’emprunteur. Parmi les modernes, Hyde et Fréret pressentirent les premiers cette double origine. Elle nous semble hors de doute, aujourd’hui que nous connaissons mieux que par le passé la langue et la civilisation de Ninive et de Babylone.

On sait à combien de controverses ont donné lieu les problèmes que soulève le texte de l’Avesta. On n’est d’accord ni sur le lieu, ni sur le temps où le mazdéisme parut, ni même sur le nom du législateur sacré[1]. Cependant quelques points peuvent être considérés comme acquis.

L’Avesta, dans la forme actuelle, a été compilé et fixé sous la dynastie des Sassanides, au IVe siècle de notre ère, avec les débris d’un ancien Avesta, perdu ou détruit sous les successeurs

  1. Il suffit de comparer sur ces divers points la doctrine de Spiegel : (Eranische Alterthumskunde, et celle de James Darinestetcr : Ormuzd et Ahriman ; et surtout l’introduction au Zend Avesta (Annales du Muée Guimet, t. XXI).