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spiritualiste, et particulièrement idéaliste, devait être essentiellement catholique. Elle l’est, personne n’en doute ; mais là n’est pas la question qui s’agite entre M. Silvela et ses adversaires ; elle consiste à savoir où sera la limite entre le pouvoir politique et les influences religieuses, et il faut convenir que les explications du nouveau ministre ne frappent pas, cette fois encore, par leur précision. Il est vrai que les accusations qu’on lui adresse n’en ont pas davantage. M. Castelar a repris sa plume des grandes batailles pour écrire contre le ministère un article dans le Libéral : M. Silvela y est accusé de livrer l’Espagne à l’obscurantisme des couvens et à la pire-des réactions. Le général Polavieja est comparé au général Boulanger. Tout cela, il faut l’avouer, est un peu gros. Peut-être est-il plus sage d’attendre M. Silvela à l’œuvre, avant de l’écraser sous le poids de tant d’épithètes.

Sa tâche sera difficile, et il semble que, pour le moment du moins, le devoir de tous les bons citoyens soit de l’y aider. Nous en dirions autant de M. Sagasta, s’il était resté au pouvoir. Le choix qu’a fait la Reine de celui-là au lieu de celui-ci ne regarde que les Espagnols, et nous n’avons pas à l’apprécier ; mais, dans tous les pays du monde, un ministère qui arrive au pouvoir après de grandes défaites, après de cruels, mais d’inévitables sacrifices, et qui a pour mission de relever le pays d’une chute douloureuse, mérite d’être encouragé et soutenu. S’il n’est pas prouvé que les conservateurs soient plus propres à cette tâche que les libéraux, certainement ils ne le sont pas moins, et ils échappent mieux aux responsabilités immédiates des derniers événemens. C’est l’avantage de leur situation. Le moment des luttes de partis ne reviendra que trop tôt : pendant quelques mois du moins, il serait patriotique d’y faire trêve.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE