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la Chambre où il n’avait pas besoin de ces procédés, mais au Sénat où l’opposition a fait plus de résistance. Le ministère a triomphé. Si, par aventure, il nous a arrachés en même temps aux griffes de conspirateurs audacieux, nous serons les premiers à le reconnaître. Mais nous avouons en toute franchise qu’un peu d’étonnement se mêlera à notre reconnaissance ; et cela ne nous empêchera pas de continuer à demander une loi sur les associations.


Une crise ministérielle vient de se produire en Espagne. On pouvait craindre qu’elle ne fût difficile à dénouer et qu’elle ne se prolongeât assez longtemps, mais ce danger a été conjuré. M. Silvela a succédé à M. Sagasta. Les conservateurs ont remplacé les libéraux.

La situation de M. Sagasta, est-il besoin de le dire ? était devenue très difficile après la guerre et la signature du traité de paix. Non pas que M. Sagasta et le parti libéral soient seuls responsables des événemens militaires et diplomatiques qui ont eu pour le pays de si funestes conséquences ; ce serait une véritable injustice d’en rejeter le poids uniquement sur eux ; mais enfin ils étaient aux affaires lorsque la catastrophe a fondu sur l’Espagne, et cela suffit pour qu’on leur impute, à côté des choses inévitables, celles qu’on aurait peut-être pu éviter. Il y a toujours des fautes commises en pareil cas, et elles sont naturellement exploitées par le parti qui, au milieu du désastre général, a eu la bonne fortune d’en être simple spectateur. Les conservateurs assuraient pourtant, et il y a lieu de croire à leur sincérité, qu’ils n’avaient aucune hâte de remplacer les libéraux au ministère. Peut-être, en effet, aurait-il mieux valu pour eux n’y arriver qu’après la liquidation complète de la guerre et de la paix, c’est-à-dire un peu plus tard ; mais les circonstances ont été plus fortes que tous les calculs. Il faut dire, au surplus, que, si les conservateurs n’éprouvaient pas beaucoup d’empressement à prendre le pouvoir, les libéraux n’avaient pas un désir bien vif de le conserver. M. Sagasta y manifestait une certaine fatigue. Une partie de ses amis l’avaient abandonné à la suite de M. Gamazo, et avaient formé un groupe de dissidens où il ne rencontrait pas ses adversaires les moins dangereux, ni ses successeurs éventuels les moins impatiens.

C’est le sort des grands partis de se diviser en Espagne, et c’est tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre, une cause de faiblesse. Il y a quelques années, M. Silvela, le président du Conseil actuel, s’était séparé de M. Canovas del Castillo pour faire bande à part à la tête des conservateurs mécontens. Après la mort tragique de M. Canovas, cette