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permettant de découvrir les similitudes frappantes existant entre les assassinats, les circonstances qui les ont précédés, accompagnés ou suivis, la nature des blessures, les signalemens des individus aperçus dans le voisinage du lieu du crime, etc., mettraient sur la voie des criminels insaisissables. C’est exactement la méthode suivie dans l’affaire Vacher : on a pu en apprécier les résultats.

Nous savons combien il est difficile de mettre la main sur les vagabonds criminels, alors même que leurs signalemens et leurs noms sont connus. Que de fois les recherches restent infructueuses, malgré les télégrammes circulaires et la diffusion des signalemens ! Nous trouvons précisément cette idée exprimée dans le rapport de M. le garde des sceaux au président de la République, précédant un des derniers comptes de justice criminelle : « L’accroissement numérique des commissions rogatoires délivrées, y est-il dit, tient à ce que les magistrats instructeurs font largement usage des ressources croissantes que le progrès des communications met à leur service ; mais il tend à prouver aussi que les malfaiteurs utilisent les mêmes avantages, ce qui rend chaque jour plus difficile la tâche de les atteindre et de rassembler la preuve de leurs méfaits dans une région de plus en plus étendue. Cette considération permet de comprendre pourquoi, malgré les recherches toujours aussi actives des juges d’instruction, la proportion de leurs ordonnances de non-lieu, fondées sur le motif qu’il leur a été impossible de découvrir les auteurs des faits incriminés, a notablement augmenté : de 11 pour 100 il y a vingt ans, à 15 pour 100 en 1894. »

Aussi bien, les moyens d’investigation sont insuffisans. Magistrats, gendarmes et agens de police finissent par se perdre dans le fatras sans cesse grossissant des signalemens plus ou moins vagues reçus de toutes parts. Il faudrait une mémoire merveilleuse pour se les rappeler, car on n’en garde pas copie dans les parquets et les cabinets d’instruction, où ils ne font que passer pour être envoyés dans les brigades de gendarmerie ou à la police, et retourner ensuite au magistrat mandant. Et puis, un signalement en chasse un autre, une confusion s’opère, préjudiciable à la découverte du criminel en fuite.

Dans un fort intéressant article qu’il a publié récemment, dans les Archives d’anthropologie criminelle, sous ce titre : Les transformations de l’impunité, M. Tarde se demande si « les malfaiteurs ont trouvé plus ou moins de ressources que la police et les