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longue série d’assassinats, de la nature de ceux que nous venons de citer, a été relevée par les journaux au fur et à mesure de leur perpétration. Parmi ces crimes, dont la nomenclature serait longue et dont beaucoup nous échappent, citons : l’assassinat par strangulation, le 7 septembre 1897, sur une route, dans l’arrondissement de Sens, d’Alice Maillet, 16 ans (un témoin a vu un vagabond qui la suivait) ; l’assassinat, en octobre, à Nîmes, d’un petit garçon, dans les conditions où avait été tué Michel l’année précédente ; l’assassinat d’une petite fille à Marseille, crime qui eut un grand retentissement dans toute la France ; la tentative d’assassinat dont a été victime la jeune Marie Teixier à Villelongue, commune de Saint-Ours-les-Roches (Puy-de-Dôme), le 18 septembre dernier ; l’assassinat par strangulation, à Tigneu-Jameyzieu (près Bourgoin), de Gabrielle Rousset ; enfin une tentative semblable, nettement caractérisée, sur une jeune fille, au Grand-Abergement près Nantua. Quelques semaines plus tard, cette jeune fille a désigné comme étant son agresseur un vagabond brusquement entrevu. Le juge d’instruction de Belley, en étudiant les dossiers qui lui étaient envoyés, a observé en outre une série d’assassinats doubles et quelquefois triples sur des vieillards de soixante-cinq à soixante-dix ans, invariablement assommés à coups de barre de fer. Il a la conviction que cette série de crimes est l’œuvre de deux ou trois individus dont il a cru entrevoir la trace et qui agissent de concert. Aussi est-il permis d’affirmer que la lugubre série n’est point close et qu’elle ne le sera pas de sitôt. Et, lorsque l’auteur des crimes commis sur des enfans sera arrêté, ce qui arrivera seulement le jour où il sera pris sur le fait, alors on instruira contre lui à raison du dernier crime, du flagrant délit ; mais on ignorera, à moins d’aveux spontanés improbables, qu’il a commis bien d’autres assassinats identiques. Il n’en saurait être autrement ; car le magistrat qui instruira sera hors d’état de découvrir un lien entre le crime qui lui sera soumis et des crimes similaires qu’il ignore.


VI

Préoccupé de cette situation, nous parlions un jour à M. le professeur Lacassagne de l’utilité de la création, au ministère de la justice, d’un service chargé de centraliser les dossiers des crimes impunis et d’opérer entre eux des rapprochemens qui, en