Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séries de lieues, tandis que la justice cherche encore dans le voisinage du théâtre du meurtre ; et qui, ayant parcouru plusieurs départemens au moment où l’on commence à étendre le cercle des recherches, a déjà effacé sa trace, désormais mêlée et confondue avec celle des nombreux chemineaux errans par les routes.

Lui, tranquille cependant, il échappe dans la forêt de Pescheseul au patron d’Alphonsine Derouet, accouru aux cris de cette enfant, dont il avait labouré le visage du talon de son soulier, pour lui faire lâcher prise. Arrêté fortuitement à Baugé pour coups et blessures, neuf jours après, il s’en va trouver dans une prison, — singulière ironie des choses ! — un abri sûr contre les poursuites du parquet voisin.

On a son signalement, comme son état civil : ce qui ne l’empêche pas, à l’expiration de sa peine, de se rendre tranquillement à Paris, de se placer ensuite dans une ferme, en Seine-et-Marne, à Précy, puis de s’acheminer vers le midi de la France, d’assassiner, en passant, Marie Moussier dans l’Allier, Rosine Rodier dans la Haute-Loire, toujours des victimes isolées dans des pâturages déserts, et d’aller jusque sur les confins de l’Espagne et à Lourdes. Revenant sur ses pas, il restera plusieurs semaines à Couloubrac dans le Tarn. A Lacaune (21 février 1897), à minuit, presque sous les fenêtres du juge de paix, il tue à coups de bâton son compagnon de pèlerinage Gautrais, qu’il sait nanti de 200 francs, le vole, revient sans encombre aux environs de Lyon. Il va commettre deux tentatives d’assassinat à Graffigny et Daillecourt (Haute-Marne) le 26 avril et le 1er mai, toujours sur des bergères, au coin des bois où il rentrera précipitamment, parce que des paysans ont surgi dans le voisinage. Ce même jour 1er mai, vers 6 heures du soir, à Vrécourt, rencontrant Jeanne Henrion, âgée de quatorze ans, il l’étouffera et tentera de la violer, — au coin d’un bois encore, car il faut toujours prévoir l’arrivée de quelque fâcheux et se ménager la possibilité de fuir.

Enfin, comme Lyon est son quartier général, il y reviendra et fera deux victimes en quinze jours : l’une à Courzieu dans la nuit noire, toujours sans bruit, grâce au « coup du père François ; » l’autre à la Demi-Lune, dans une maison inhabitée, où il n’aura pas à redouter les indiscrets. C’est enfin dans un bois qu’il attaquera la femme Plantier, suprême tentative avortée, cause de sa perte. Et là encore, sans la commission rogatoire de Belley, il