Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

découle ce genre de vagabondage : le vagabondage intermittent. Le vagabond de ce type se distingue du vagabond proprement dit en ce qu’il a eu de bons parens qui lui ont donné de l’instruction, de l’éducation, et très souvent une profession. Il est plus vicieux que l’autre ; il est quelquefois très nuisible. Ce genre comprend différentes catégories d’individus qui sont : 1° les gens instruits et flétris, qui sont découragés et que l’on nomme déclassés ; 2° ceux qui, ayant appris une profession, la négligent, se livrent à la boisson, quittent leurs patrons souvent sans prétexte et commencent à vagabonder, puis se font des amis, se croient tous les talens et ne tardent pas à devenir d’abord mendians, ensuite, voleurs. Les traits de ce vagabond reflètent ordinairement la ruse et la dissimulation, son regard est sans expression, plein d’atonie, et cependant l’ensemble ne paraît pas antipathique. Il y a aussi le vagabond sonore : j’entends par ce mot la vanité de ce genre de vagabond qui est presque un fou et souvent un criminel ; on le distingue par la violence de son caractère ; il est méchant, ivrogne ; son rire est sardonique ; il est immoral, égoïste, vaniteux, fourbe, envieux et d’une jalousie excessive et injustifiée. L’ensemble de sa personne respire la méfiance. Il est fort ombrageux et la moindre contrariété l’exaspère. Ses traits reflètent la brute, son regard brille d’un feu sombre et est toujours menaçant. Sa voix rauque est le plus souvent désagréable ; elle prend souvent des intonations douces, mais c’est alors qu’on doit se méfier. Son cœur est dur et le plus souvent on remarque chez lui tous les signes de la plus ignoble lâcheté. Ce genre de vagabond est fourni par presque toutes les classes de la société et principalement par la classe moyenne : ils ont presque tous une certaine instruction et souvent une profession. Leur instruction leur a tourné l’esprit et ils se croient tous des talens ; aussi, quand ils échouent en quelques entreprises, ils sont au paroxysme de leur fureur et perdent en même temps toute leur assurance ; c’est alors qu’ayant connaissance de leur impuissance, ils vouent une haine mortelle à la société qui, selon eux, leur a ravi leur part de bonheur. »

Occupons-nous maintenant des mœurs des vagabonds et voyons quel est le champ de leurs opérations.