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LES VAGABONDS CRIMINELS

C’est de 1826 que date le premier rapport de justice criminelle, et en 1830 on comptait 3 202 vagabonds condamnés ; en 1833 ce chiffre s’abaisse à 2 715 pour se relever ensuite et atteindre en 1836 celui de 2 960 ; mais, à partir de cette année, il suit invariablement une progression croissante, véritablement inquiétante. De 4 074 en 1845, il s’élève successivement à 6 476 en 1855, à 8 760 en 1867, à 8 886 en 1875, à 14 069 en 1882, à 18 220 en 1887, à 19 723 en 1894 ; de telle sorte qu’en cinquante ans, il s’est accru dans la proportion de 400 pour 100. Si, d’autre part, à ce chiffre de 19 723 condamnés, on ajoute celui des vagabonds arrêtés et non poursuivis, lequel s’élève à 20 000, on remarquera que près de 40 000 individus ont été arrêtés pour vagabondage en 1894.

Vainement prétendrait-on que l’augmentation du nombre des condamnations pour vagabondage trouve son explication dans l’accroissement du nombre des récidivistes, puisque la statistique établit que, dans les vingt dernières années par exemple, la proportion du nombre des condamnés au nombre des récidivistes n’a pas sensiblement varié.

Veut-on connaître maintenant l’opinion des nombreux condamnés pour ce genre de délit ? Ceux-là pensent que la plaie grandit chaque année, et ils évaluent à 200 000 environ le nombre de leurs compagnons de misère. Enfin, toujours d’après eux, les « roulans » fabriquent couramment et se vendent les uns aux autres de faux certificats de travail qui leur permettent de se soustraire à l’action de la justice. Ils se procurent des sceaux de mairie chez les marchands de timbres en caoutchouc, sans trop de difficultés, m’ont affirmé beaucoup de détenus. C’est encore