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hommes, » son extérieur doit faire deviner le métier qu’il fait et justifier la haine qu’on lui porte ; il est chauve, camus, avec un front ridé, des sourcils en broussailles ; surtout il est affublé d’un ventre énorme (ventriosus, cim ventre collatitio), qui le désigne aux huées de l’assistance. On ne nous dit rien de précis du costume des femmes, mais il est vraisemblable que les adolescens qui en remplissaient le rôle devaient être fort bien vêtus et porter d’élégantes tuniques grecques. Le seul renseignement qu’on nous donne, c’est qu’ils sont mis « avec goût et à la dernière mode, concinne et nove. » Il fallait que la jeune courtisane, quand elle apparaît sur le seuil de sa porte, pût faire à l’amoureux, qui l’attend et l’appelle, l’effet d’un printemps en fleur :


                                              Ver vide ;
Ut tota floret ! ut olet ! ut nitide nitet !


En réalité, ces personnages, toujours vêtus du même costume, qui se présentent avec la même attitude, qui expriment les mêmes sentimens, et répètent à peu près les mêmes paroles, sont moins des individus que des types. Cela est si vrai que souvent, sur les manuscrits, on ne les désigne pas par un nom propre, on les appelle simplement : le vieillard, le jeune homme, le parasite, etc. Par là, cette comédie touche à l’Atellane ; la seule différence, c’est qu’elle présente au public des types généraux, la courtisane, le soldat, le souteneur, etc., au lieu de quelques individualités grotesques, Pappus, Bucco, Maccus, c’est-à-dire quelque chose comme Arlequin et Polichinelle. L’emploi d’un petit nombre d’acteurs, toujours les mêmes, présentait sans doute beaucoup d’inconvéniens ; il nuisait surtout à la variété des pièces et rendait plus difficile d’inventer des sujets nouveaux. Mais les anciens y trouvaient aussi quelques avantages, notamment celui de simplifier l’exposition. Il faut bien qu’un auteur fasse connaître, au début de sa comédie, les gens qui vont agir et parler, surtout si leur caractère présente quelques singularités piquantes, s’il est plein de ces nuances compliquées auxquelles nous nous plaisons aujourd’hui. Ces explications, pour être claires, lui prendront quelque temps, et il sait bien qu’il n’a pas de temps à perdre. Les poètes anciens, comiques ou tragiques, qui ne se servaient que de personnages connus, étaient en grande partie délivrés de ce souci. Un mot suffisait pour mettre le spectateur au courant ; et même ce mot, il était presque inutile de le dire, on n’avait besoin que d’ouvrir