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rue aussi que les deux esclaves du Stichus mangent, boivent et dansent, sans s’occuper des passans que pour dire que, s’il s’en présente quelqu’un, on l’invitera à prendre part au festin ; mais ils savent bien qu’ils ne risquent pas d’être dérangés.

IV

Malgré ces libertés que Plaute se donnait et que son public lui permettait de prendre, il n’en restait pas moins que la scène représentait une rue, et qu’il ne lui était possible d’y mettre que des actions qui pouvaient se passer en plein air. Cette nécessité limitait singulièrement le nombre des sujets qu’on pouvait traiter. C’est une des raisons qui ont condamné la comédie antique à une certaine uniformité. Dans le théâtre de Plaute, quelles que soient la richesse et la nouveauté des détails, le fond est toujours im peu semblable. Nous aurons à revenir sur cette monotonie ; quoiqu’elle ait d’autres motifs, on peut aussi l’attribuer en partie à la disposition de la scène.

Mais voici une conséquence beaucoup plus grave de la même cause. Du moment que la comédie ne quitte plus la place publique, la vie de famille lui échappe ; elle n’en peut plus montrer que ce qui se voit dans la rue, et ce n’est guère. Pour nous mettre sous les yeux ce qu’elle a de plus curieux, de plus attachant, il aurait fallu ouvrir cette maison si bien fermée et nous y introduire ; Plaute ne va jamais plus loin que la porte. Il ne semble pas du reste le regretter. Le monde qui habitait derrière ces murailles n’était pas le sien ; il devait l’avoir peu fréquenté, et ce qu’il en savait ne lui donnait pas le désir de pousser plus loin la connaissance. S’il ne jugeait les matronæ que par ce qu’en disent les maris, il ne devait pas avoir d’elles une opinion bien favorable. Le portrait qu’il en trace n’est pas flatté. Ce n’est pas qu’il les accuse de se mal conduire ; les grands scandales devaient être rares à cette époque, et, dans tous les cas, on n’aurait pas permis à un auteur comique de les porter sur la scène et d’en amuser le public. Mais, si celles que Plaute a représentées n’ont pas de faute grave à se reprocher, qu’elles sont insupportables ! il les montre si fières de la dot qu’elles ont apportée, si maussades, si exigeantes, si querelleuses, qu’on voit bien qu’il approuve ceux qui s’en tiennent loin et qui n’ont pas voulu s’embarrasser d’un ménage. Dans une des scènes les plus piquantes du Miles gloriosus, Périplécomène,