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tout près de la scène, pour se faire bien voir. Les femmes n’étaient pas seulement un élément de désordre, le plus bruyant de tous ; elles jouaient un rôle dans ces cabales qui décidaient du sort des pièces. Térence attribue en partie à leurs cris (clamor mulierum) la chute de l’Hécyre. Enfin, il se trouvait dans l’assistance jusqu’à des esclaves, qui réussissaient à s’y glisser grâce à la confusion des rangs et à la licence de la fête, et qui, malgré les objurgations de l’acteur, qui, pour les engager à s’en aller, leur vantait les charmes du cabaret, ne semblaient pas décidés à céder la place aux hommes libres. Figurons-nous tout ce monde qui crie à la fois, qui trépigne, qui se dispute les bonnes places, tandis que les agens de police (dissignatores, conquisitores), qui veulent les mettre d’accord, ne font qu’augmenter le tapage. Voilà le public auquel s’adresse l’auteur dramatique et qu’il lui faut, à tout prix, amuser pour qu’il se tienne tranquille.

II

C’est la grande préoccupation de Plaute ; il cherche avant tout à se faire écouter des spectateurs pour les retenir sur ces bancs qu’ils sont toujours prêts à quitter dès qu’ils s’ennuient. Il faut d’abord qu’il rende sa pièce aussi claire que possible et que tout le monde puisse sans effort la comprendre. Aussi commence-t-il par la leur raconter en détail dans le prologue. C’est peut-être leur ôter le plaisir de la surprise, mais c’est leur rendre l’intelligence du sujet plus facile, c’est leur mettre d’avance un fil dans les mains qui leur permettra de se conduire à travers toutes les péripéties de l’intrigue. Si, malgré tout, il y reste quelque obscurité, il n’hésitera pas à recourir aux procédés les plus naïfs pour la dissiper. Les personnages, de peur qu’on n’en ignore, s’annoncent eux-mêmes ou annoncent les autres : « C’est moi qui suis le parasite. » — « Vous voyez cette femme qui marche la première, c’est celle dont mon maître est amoureux. « Ils ont soin de se tenir en communication constante avec le public ; à tout propos, ils lui parlent, l’interrogent. Un esclave qui a trompé son maître pendant son absence et qui apprend qu’il est de retour, un mari qui a fait des infidélités à sa femme et qui redoute la scène qu’elle va lui faire, se tournent piteusement vers l’assistance et demandent s’il ne s’y trouve pas quelque bonne âme qui consentirait à prendre leur place pour un moment. Voilà le public devenu lui-même une