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des mêmes parties essentielles ; il y a toujours eu, sur un terrain en pente, et qui formait généralement un demi-cercle, des places pour les spectateurs assis ou debout ; au centre, un espace vide, qui est devenu l’orchestre ; en face, fermant le cercle et disposée pour être vue de tous les côtés, la scène, qui s’élevait à une certaine hauteur au-dessus de l’orchestre. On voit que nous pouvons, sans trop de témérité, appliquer les réflexions que nous suggère un théâtre définitif, comme celui d’Orange, aux théâtres provisoires des premières années.

Essayons donc de ranimer pour un temps cette comédie naissante ; il est toujours intéressant de l’étudier, car elle a servi de modèle à celle de tous les autres pays. Cherchons les conditions qui lui ont été imposées à ses débuts, et de quelle manière elle les a d’abord acceptées. Ce sera pour nous une façon de mieux comprendre les motifs de ses premiers succès.

I

Ce qui frappe d’abord dans le théâtre d’Orange, comme dans les autres[1], c’est qu’il n’était pas couvert ; on a bien pu étendre sur les sommets, aux heures chaudes de la journée, quelques bandes de toile plus ou moins larges pour abriter les spectateurs du soleil, mais ces vela[2] n’interceptaient tout à fait ni l’air ni le jour. On sentait toujours sur sa tête la voûte immense du ciel ; une lumière également vive éclairait le public ; rien n’attirait directement les yeux vers la scène. Ils pouvaient errer à loisir sur toutes les parties de l’édifice et y trouvaient mille occasions de se dissiper ; sans compter que la situation même de quelques-uns de ces théâtres, la beauté du lieu où ils étaient placés, pouvaient fournir aussi beaucoup de sujets de distraction. Je suppose que les gens qui étaient assis sur les gradins les plus élevés de celui de Taormina ont dû se retourner plus d’une fois pour voir l’Etna en flammes, ou contempler en face d’eux l’admirable panorama de la mer de Sicile, avec les côtes de la Calabre à l’horizon, et j’avoue que, même si l’on jouait en ce moment quel-

  1. Je laisse de côté les théâtres couverts, appelés quelquefois des Odéons, beaucoup plus petits que les autres, qui devaient servir à des concerts de musique, peut-être aux lectures publiques. On en a trouvé un à Pompéi, à côté du grand Théâtre.
  2. L’ensemble de ces toiles, ou vela, formait ce qu’on appelait le velarium. Dans les affiches de spectacle qu’on a trouvées à Pompéi, on annonce, pour attirer les spectateurs, qu’ils seront abrités du soleil : vela erunt.