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cet ordre. Les navires-croiseurs ne peuvent s’approcher de la côte sous peine d’être frappés par les batteries de terre. Ils sont forcés de naviguer à des vitesses assez rapides, par crainte des torpilleurs qui, chaque nuit, les tiennent en haleine. Les équipages, maintenus en branle-bas, arrivent vite à une fatigue extrême provenant de la tension nerveuse que donne le danger toujours imminent de la torpille. L’action des sous-marins l’augmentera. Les autres navires employés au blocus doivent se maintenir à portée des signaux, sous petite vapeur, mais prêts à forcer les feux et à se grouper pour combattre. Si le mauvais temps survient, il faut fuir, car on risquerait d’être jeté à la côte. D’autre part, si l’escadre bloquée est nombreuse et redoutable, la plus petite faute de tactique coûtera cher. Elle est, en effet, « maîtresse de l’heure. » Sous la protection de ses batteries de terre, elle peut sortir quand elle veut, et en masse. L’artillerie moderne donne au combat une grande rapidité. Une fraction de l’escadre bloquante peut être écrasée, avant que tous ses vaisseaux se soient réunis. Il faut ajouter que les navires modernes sont mal faits pour supporter une navigation intensive. Bientôt les grilles se brûlent, les organes des machines chauffent et exigent des réparations qui imposent le retour à l’arsenal.

Alors les blocus, qui étaient étroits dans les premiers jours de la guerre, se relâchent peu à peu. Faute de vaisseaux, il faut abandonner les moins importuns. C’est à ce moment que vont commencer les fausses attaques, qui précèdent l’opération décisive. Rappelons en quelques mots leurs conditions générales :

Le passage du Pas de Calais ne doit pas être considéré comme un débarquement, mais bien comme le passage d’un fleuve. En effet, les débarquemens imposent une obligation très importante et difficile à remplir. Il faut faire passer les troupes et le matériel des navires de charge, dans des chalands, qui doivent eux-mêmes être remorqués et conduits à la côte. Les pertes de temps sont alors considérables, le mauvais temps peut survenir et arrêter tout le mouvement.

Dans le franchissement du détroit, il n’en serait pas de même. Les péniches à vapeur, dirigées droit sur le point choisi, et y arrivant à marée haute, s’y échoueraient, et, vu leur faible tirant d’eau, seraient immédiatement à sec. Le débarquement de l’armée aurait lieu en bataille, sous la protection de l’artillerie d’avant de toutes les péniches, et simultanément dans tous les bateaux. Il