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militaire, et par conséquent que rien ne justifie sa construction aux frais du pays, car il appartient au commerce et à l’industrie de se munir des engins qui leur sont nécessaires.

L’exposé des principes généraux d’après lesquels cette flottille doit être employée comme instrument de combat va élucider la question.


V

« Votre sortie a imprimé une grande terreur aux Anglais ; ils savent bien qu’ayant toutes les mers à défendre, une escadre qui s’échapperait de Brest pourrait leur faire un ravage incalculable… » Ainsi s’exprimait Napoléon, dans une lettre adressée au vice-amiral Ganteaume, le 6 septembre 1804.

Pendant toute la préparation de la descente, il n’avait pas cessé de prescrire à nos forces navales de multiplier les sorties en mer, les exercices d’embarquement et de débarquement, tant pour harceler les croisières anglaises que pour instruire les troupes.

En août 1803, il écrivait à l’amiral Bruix, commandant la flottille du camp de Boulogne : « Pour la nuit, le moyen d’empêcher l’ennemi d’approcher est de faire sortir, tous les soirs, les forces que vous avez. Il vous est même facile de lui tendre un piège… Que nos forces maritimes passent toutes les nuits dehors. » Le 17 septembre, le général Soult recevait cet ordre : « Exigez que, comme à Boulogne, la division de Calais sorte à toutes les marées, lorsque le temps sera favorable. Faites-lui exécuter sur le fort Rouge un simulacre de descente, et voyez si les pièces de 24 se débarquent avec la promptitude dont on m’assure. »

Ces prescriptions, qui portent l’empreinte du bon sens génial de Napoléon, doivent être méditées, car les perfectionnemens de la navigation les ont rendues d’une application plus facile qu’au commencement du siècle. Elles contiennent les principes à suivre dans le cas où l’adversaire, étant maître de la mer, bloque les ports : tenir l’ennemi en haleine, le harceler, l’épuiser par de fausses attaques et profiter de ces opérations pour exercer les troupes et les mettre au point, en vue de l’opération définitive.

Si nous admettons que tous nos grands navires de combat se trouvent réunis, soit à Brest, soit à Cherbourg, il est facile de se rendre compte de ce que sera le blocus au bout de quelques mois. Rien ne ruine autant une marine à vapeur que des opérations de