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Il résulte de l’étude des conditions de navigabilité de nos canaux que ces péniches pourraient porter un canon de campagne à tir rapide, en batterie à l’avant, ses deux caissons, un canon à tir rapide de 47 millimètres, sur pivot central, les artilleurs nécessaires, 24 chevaux sous le pont mobile, une demi-compagnie d’infanterie ou une compagnie entière suivant que la péniche porterait de l’artillerie de campagne ou n’en serait pas pourvue. L’approvisionnement d’eau douce serait constitué dans les compartimens du water-ballast. Les munitions et vivres de réserve seraient contenus dans des caisses de faibles dimensions qui serviraient de bancs aux troupes transportées. Les péniches, divisées par des cloisons étanches fixes, risqueraient peu d’être coulées par l’artillerie. D’ailleurs, le procédé des toiles préparées d’avance permet d’aveugler une voie d’eau, et la pompe mue par la machine assure l’épuisement d’un compartiment quelconque. Des parois en acier spécial mettraient le personnel à l’abri de la mousqueterie. Une chèvre de déchargement, actionnée également par la machine, assurerait le débarquement rapide des chevaux et du matériel. La péniche serait également pourvue d’un mât de signaux mobile et d’espars à coulisse et à contrepoids, placés à l’avant, à l’arrière et sur les flancs, portant à leur extrémité de fortes torpilles. Tout ennemi, quelque puissant qu’il fût, cuirassé ou autre, qui voudrait couler ces péniches du choc de son étrave, se frapperait lui-même à mort en choquant la torpille. On sait que la torpille « portée » est d’un effet certain. Il est plus que probable que dans ces conditions les péniches ne seraient jamais abordées. En outre, la pièce de 47 millimètres à tir rapide, dont le canon anglais du système Wickers Maxim est le prototype, permettrait à ces embarcations de se défendre contre les torpilleurs et même les contre-torpilleurs. En effet, cet engin peut lancer, dans une minute, un grand nombre d’obus percutans capables de percer les tôles des navires. Or, grâce à la rapidité avec laquelle ils se succèdent, ces projectiles tracent à la surface de l’eau un sillon tel, qu’il est aussi facile de régler le tir que de diriger le jet d’eau d’une lance d’arrosage.

Il résulte du calcul que, pour pouvoir jeter en Angleterre une armée de 160 ou 170 000 hommes, avec 500 pièces à tir rapide et les munitions et vivres afférens, il serait nécessaire de construire 1 500 péniches à vapeur. C’est une dépense que l’on peut estimer au plus à 150 millions. Cette somme est, il est vrai, très