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Le but essentiel visé par les Anglais est donc net. C’est la destruction de nos escadres. Le reste doit en découler forcément. Ils se rendent parfaitement compte de l’impossibilité, où ils se trouvent, de débarquer sur nos côtes et même sur une île quelconque près de nos côtes, où il n’y aurait qu’à les laisser se morfondre jusqu’à la fin de la guerre.

Débarquer en Algérie ou en Tunisie serait une entreprise possible, mais vaine, car leurs troupes ne pourraient s’éloigner de la protection des canons de la flotte sans être détruites par les forces que nous entretenons dans ces régions et qu’il est facile de rassembler. Même avec leurs mitrailleuses Maxim, les 12 000 hommes de Malte et les 6 000 de Gibraltar seraient en mauvaise posture pour faire, en rase campagne, connaissance avec notre artillerie à tir rapide. L’action sur nos colonies lointaines : Indo-Chine, Madagascar, serait longue et difficile. Il faudrait prendre des troupes dans l’Inde ; or, là, on doit veiller, car la dernière campagne contre les Afridis n’a pas augmenté le prestige de la domination anglaise.

Reste le bombardement des côtes. Nos escadres étant mises en bouteille, il semble que brûler nos ports serait chose facile. C’est une erreur, et il est facile de le démontrer.

Nos côtes sont armées. Dans ces dernières années, l’artillerie a fait en France de tels progrès, les méthodes de tir ont pris une telle précision, qu’il n’est pas de cuirassé, quelque puissant qu’il soit, qui puisse s’approcher d’une simple batterie à moins de 5 000 mètres sans courir les plus grandes chances d’être, en quelques instans, gravement frappé. Mais, objectera-t-on, l’artillerie des vaisseaux a une portée beaucoup plus grande ; une ville présente un but énorme où tous les obus feront des ravages, quoique lancés à des distances auxquelles les batteries de côte auront peu de chances d’atteindre l’assaillant.

Quelques explications sont ici nécessaires. En 1894, M. le général d’artillerie de marine Borgnis-Desbordes faisait paraître, dans le Mémorial de l’Artillerie de la marine, une étude très remarquable et très complète, intitulée : Des opérations maritimes contre les côtes et des débarquemens. Cette étude établit que, dans l’attaque d’une ou plusieurs batteries de côte par une escadre, la réussite de l’opération est, dans tous les cas, difficile et presque toujours aléatoire. Les munitions de la flotte sont limitées, celles de la défense ne le sont pas. L’assaillant ne peut remplacer ni