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jour où nos forces navales seraient détruites, les escadres allemandes ne pèseraient plus d’un grand poids, et certainement le made in Germany s’écoulerait moins facilement.

Ce programme, quelque peu féroce, mais qui a du moins le mérite de la franchise, répond-il vraiment au désir de la masse des Anglais ?

En ce moment, on peut répondre affirmativement. Quelques voix timides ont objecté que la guerre profiterait surtout au commerce allemand et américain. Les impérialistes ont vite imposé silence. « La crise sera courte, disent-ils. La reprise commerciale sera centuplée par la confiance que donne la victoire. La clientèle ne va-t-elle pas au vainqueur ? Voyez l’Allemagne, sa prospérité industrielle et commerciale date de 1870. » Et la foule applaudit !

Cette excitation de la population britannique contre la France est niée par une partie de la presse française. Aussi, se trouve-t-il ici bien des incrédules. Il est donc utile d’insister sur les moyens qui ont été employés par nos voisins pour développer chez eux un tel état d’esprit.

Les discours récens de lord Salisbury, Premier ministre, de M. Goschen, Premier lord de l’Amirauté, du marquis de Lansdowne, ministre de la Guerre, de sir Michaël Hicks Beach, chancelier de l’Echiquier, de M. Chamberlain, ministre des Colonies, de sir Edmund Monson, ambassadeur britannique à Paris, procèdent tous d’une donnée commune. L’Angleterre y est représentée comme menacée dans ses intérêts vitaux par la France. Nous sommes systématiquement accusés de pratiquer « la politique de coups d’épingles, » de « marcher sur la queue du lion britannique. » Notre diplomatie ne songe qu’à créer des obstacles à l’action de l’Angleterre, en Égypte, au Niger, au Siam, en Chine, à Madagascar, où nous gênons son commerce. Notre alliance avec la Russie est une menace perpétuelle pour ses intérêts en Chine et ailleurs.

Les Revues, les journaux, les théâtres sont lancés sur cette même voie. La décadence de la France est un des sujets les plus en vogue : tandis que la population anglaise a augmenté de 63 pour 400 en soixante ans, celle de la France n’a augmenté que de 18 pour 100 et maintenant son accroissement est nul. Tout prouve que la France va en s’affaiblissant, et lord Salisbury proclame dans un discours sensationnel que les nations en décadence