Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conditions ne sont pas, pour tous les États maritimes, absolument les mêmes ; et quant aux moyens, partout les mêmes, dont tous prévoient et se réservent l’emploi, tous néanmoins n’y attachent pas la même valeur et ne mettraient pas le même scrupule à y recourir. Chacun d’eux, là comme ailleurs, pense, juge et agirait selon son tempérament ; et c’est ce que M. Dupuis a grandement raison de noter :

« Peut-être, dit-il, se fait-on en France quelques illusions ; peut-être y prend-on des désirs pour des réalités ; peut-être y oublie-t-on les exigences de toute lutte sur mer. Il est plus que probable, en tout cas, que l’on s’y méprend sur les conséquences de la Déclaration de Paris du 16 avril 1856. Cette déclaration célèbre a été signée par la plupart des États maritimes, notamment par la Grande-Bretagne. On en conclut volontiers que ses dispositions seraient appliquées de même manière par tous les États signataires. Il n’en est rien. Nous interprétons la Déclaration de Paris avec nos habitudes d’esprit ; nous donnons une portée absolue à des principes abstraits ; nous l’interprétons avec nos traditions ; ces traditions sont, en certains points, très libérales. Les Anglais ont toujours compris le droit de la guerre maritime d’une façon fort concrète, très positive, très pratique et très favorable aux belligérans. Leurs traditions donnent un sens autre aux formules qu’ils ont acceptées en 1856. »

À quelques nuances près, les divers États de l’Europe admettent nos règles et nos coutumes ; mais la Grande-Bretagne pratique un système tout différent, et les États-Unis d’Amérique suivent les doctrines anglaises, s’inspirent de la jurisprudence britannique. Ces doctrines, que sont-elles donc ? On l’imagine sans peine. Ce qu’est la Grande-Bretagne elle-même, ce qu’est l’esprit anglo-saxon. « Elles portent le reflet de l’esprit politique et juridique de la Grande-Bretagne ; elles demeurent fidèles aux formules traditionnelles, sauf à modifier la portée de ces formules pour tenir compte des besoins nouveaux ; elles sont empreintes du souci constant de l’intérêt britannique ; mais elles se distinguent surtout par une vue nette et précise des conditions et des nécessités de la guerre. » — Et, après les avoir ainsi définies en traits généraux, M. Ch. Dupuis les expose avec beaucoup de soin, telles qu’elles apparaissent dans les travaux des écrivains qui font autorité, des plus éminens d’entre eux ou des plus qualifiés par leurs fonctions, comme sir R. Phillimore, M. Holland, sir Travers Twiss, M. Hall, M. T.-J. Lawrence, sir H. Summer Maine, M. John Westlake.

C’est à marquer fortement « l’opposition des doctrines anglaises et de celles qui prévalent sur le continent en ce qui concerne le droit de