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Il ne se propose pas d’étudier le droit de la guerre en général ; son plan est moins vaste ; il se borne au droit de la guerre maritime, et il le restreint encore : à ce droit considéré d’après les doctrines anglaises contemporaines. « Des événemens récens, observe-t-il justement, ont rendu un intérêt d’actualité aux multiples questions que soulève toute guerre maritime. Après avoir longtemps vécu dans la crainte d’une guerre sur le continent, l’Europe peut redouter plutôt des conflits sur les mers. » Les nations, trop à l’étroit, ont essaimé en colonies par-delà les océans. Elles voisinent et rivalisent en Afrique, en Asie, partout.

Parmi elles, l’Angleterre occupe une position spéciale. Non seulement elle est, comme métropole et en tant qu’île, au milieu de la mer, mais la mer est la route royale qui relie les extrémités de son immense empire, dont l’axe politique n’est pas le méridien de Greenwich, mais bien la ligne que suivent, dans la Méditerranée de Gibraltar à Suez, dans la mer Rouge de Suez à Aden, dans l’océan Indien, d’Aden à Bombay et en Australie, ses innombrables navires. D’autres puissances sont plus sédentaires, elles ont une base terrestre ; l’Angleterre est une puissance maritime et une puissance circulante ; elle n’est souveraine que par la mer libre, et, pour elle, la mer libre, c’est la mer anglaise. D’un pôle à l’autre et de l’Occident à l’Orient roule, sous le drapeau anglais, un courant ininterrompu « d’hommes anglais et de femmes anglaises, » comme disait Carlyle, qui portent aux bouts opposés du monde le génie anglais, la langue et les mœurs anglaises, la domination, la richesse, la force et les marchandises anglaises.

En conséquence, sa marine a beau être formidable, elle veut la rendre plus formidable encore. Elle professe maintenant cet axiome que « la flotte britannique doit égaler les deux principales flottes de guerre après la sienne, et déjà certains esprits demandent que les escadres anglaises égalent et puissent défier trois escadres réunies. » Nous osons espérer que ces flottes n’auront à figurer qu’en des revues où s’exalte à la fois et se rassasie de lui-même l’orgueil national. Mais, si le malheur voulait qu’elles servissent un jour, et que la guerre devînt inévitable ; — guerre terrible, choc épouvantable sur la mer, où ne se heurteraient pas seulement et s’entre-détruiraient des cuirassés, qui n’atteindrait pas seulement la marine marchande et le commerce des belligérans, mais qui, par contre-coup, frapperait aussi la marine marchande et le commerce des nations neutres ; — rien qu’à songer qu’une pareille guerre est possible, qui ne souhaiterait vivement d’en connaître à l’avance les conditions et les nécessités ? D’autant plus que ces