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ment, on ne peut que poser ces questions sans essayer d’y répondre. M. Loubet nous a dit seulement qu’il était un bon républicain, ce qu’on savait déjà, et qu’il travaillerait à l’union et à la concorde, tâche difficile et laborieuse, dans laquelle il ne réussira que si on veut bien l’y aider.

Nous l’y aiderons de notre mieux. Les journaux ont publié un très grand nombre de discours qui ont été prononcés un peu partout sur tous les points de la France et des colonies. Nous en avons lu beaucoup : ils nous ont paru inspirés par le meilleur esprit. Dans le nombre, il en est un qui nous a frappé. Il vient d’un prélat que nous ne connaissons pas, l’évêque de Constantine. Après avoir rappelé les dernières paroles de M. Félix Faure, ce pardon qu’il accordait à ceux qui l’avaient offensé et qu’il demandait à ceux qu’il avait pu offenser lui-même : « Quand donc, Français, mes frères bien-aimés, s’est écrié Mgr Cazagnol, prononcerez-vous ces paroles de paix, et en inspirerez-vous votre conduite ? Pourquoi ces querelles byzantines ? Pourquoi ces discordes, ces cris de haine parmi les enfans de la même patrie ? Pourquoi ces divisions en face de l’ennemi qui observe tout ? Voulez-vous donc que l’histoire écrive, en parlant de notre époque : Il n’y eut alors que des ligueurs et point de Français ! Quand donc cessera-t-on de traiter en ennemies ces deux colonnes si nécessaires à l’édifice social, la justice et l’armée ? Que les Français se tendent la main et se réconcilient sur cette tombe ! » C’est un noble vœu, et nous le formons aussi : hélas ! comment ne pas reconnaître que sa réalisation reste incertaine ? Tout ce qu’on a pu obtenir de notre patience et de notre respect de la mort a été que nous ne nous disputions pas sur la tombe même de M. Félix Faure ; mais nous nous sommes disputés pendant qu’on la creusait ; et nous n’avons pas attendu qu’elle fût fermée pour nous disputer encore !

Francis Charmes.