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Brown-Séquard. L’un des meilleurs disciples de ce dernier maître, M. Gley, parfaitement informé à cet égard, a fait ce qu’il fallait pour éclairer l’opinion médicale. Il a reproduit des passages caractéristiques des leçons de Cl. Bernard en 1855 et du rapport de 1867 sur les Progrès de la physiologie[1]. On n’y pourrait ajouter que les développemens du cours de 1875.

Mais on ne serait pas tout à fait juste pour Brown-Séquard si on ne lui accordait d’autre mérite que d’avoir suggéré l’application d’une doctrine déjà constituée de toutes pièces. Il a fait quelque chose de plus ; il a apporté à la théorie de ses prédécesseurs une modification en rapport avec le progrès des temps. On ne connaissait pas, à l’époque de Claude Bernard, l’extrême subtilité d’action des matières qui sont produites dans les organismes animaux. On n’avait qu’une très vague idée de la diffusion des fermens solubles, de l’existence des leucomaïnes, des ptomaïnes, des toxines et des anti-toxines. C’est dans la catégorie de ces agens nouveaux et puissamment actifs que Brown-Séquard n’hésita pas à ranger le grand nombre des sécrétions internes. Évidemment l’on ne peut songer à les y classer toutes, et particulièrement celles qui sont éminemment utiles à l’économie et dont le glycogène et le sucre resteront les types les plus parfaits. Mais beaucoup y trouvent leur place naturelle : toutes les recherches contemporaines déposent dans ce sens, et parmi elles il est nécessaire de citer d’abord celles de MM. A. Gauthier et Bouchard.

Il est permis de dire, maintenant, que les fondemens de la

  1. Nous croyons devoir citer quelques-uns de ces passages : « J’ai appelé sécrétions externes celles qui s’écoulent en dehors, et sécrétions internes celles qui sont versées dans le milieu organique intérieur… Les sécrétions internes sont beaucoup moins connues que les sécrétions externes. Elles ont été plus ou moins vaguement soupçonnées, mais elles ne sont point encore généralement admises. Cependant, selon moi, elles ne sauraient être douteuses, et je pense que le sang, ou autrement dit le milieu intérieur organique, doit être regardé comme un produit de sécrétion des glandes vasculaires internes… Le foie représente deux sécrétions : l’une externe, qui coule dans l’intestin, la sécrétion biliaire ; l’autre interne, qui se verse dans le sang, la sécrétion glycogénique… Le foie glycogénique forme une grosse glande sanguine, c’est-à-dire une glande qui n’a pas de conduit excréteur intérieur. Il donne naissance aux produits sucrés du sang, peut-être aussi à d’autres produits albuminoïdes. Mais il existe beaucoup d’autres glandes sanguines, telles que la rate, le corps thyroïde, les capsules surrénales, les glandes lymphatiques, dont les fonctions sont encore aujourd’hui indéterminées. Cependant, on regarde généralement ces organes comme concourant à la régénération du plasma du sang, ainsi qu’à la formation des globules blancs et des globules rouges qui nagent dans ce liquide. » Cl. Bernard, Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale en France. Paris, 1887, p. 73-84, et E. Gley, L’Année biologique, 1897, p. 315.