Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retirer imbibées du précieux liquide. Une autre fois, Brown-Séquard n’avait pas hésité à tirer de sa propre veine le sang vivant nécessaire à l’une de ses expériences.

C’est un point de vue trop exclusif de considérer la vieillesse comme une sorte de maladie ou de déchéance organique, liée chez l’homme à l’insuffisance d’action d’une certaine glande. C’est celui, pourtant, où se sont placés en tous les temps quelques médecins, et après eux les partisans de l’opothérapie. Cette opinion se fonde sur des observations exactes que tous les éleveurs ont pu faire sur les animaux bistournés. L’émasculation retentit sur toute l’économie : elle modifie la nutrition générale ; elle produit une tendance à l’engraissement et au lymphatisme ; elle arrête le développement de la crête, des ergots et des cornes ; elle déprime le système nerveux et brise l’indocilité du caractère. L’opération pratiquée, jadis, en Italie et en Orient chez les enfans, avait pour conséquence un arrêt de la croissance, une effémination du corps qui s’empâte au lieu de présenter les formes toreuses et musclées de la statuaire. Le larynx, la voix, le système pileux, gardent les caractères qu’ils ont dans l’enfance. Cette caricature vieillie de l’enfance, c’est l’infantilisme. Quant aux facultés intellectuelles et morales, elles participent de l’abaissement général de la vitalité. Les historiens ont souvent stigmatisé la débilité mentale et la honteuse faiblesse morale des favoris que les empereurs de Rome et les souverains de l’Orient avaient choisis parmi leurs eunuques. Pour un Aristonicus qui sait commander les armées de Ptolémée, pour un philosophe comme Favorinus qui tient tête à Adrien, combien l’histoire n’enregistre-t-elle pas de Sporus et de Photin !

D’après ces idées et d’après le principe qui sert de fondement à son emploi, l’extrait orchidien devait bien être une sorte d’antidote de la vieillesse. Il devait, outre cette stimulation générale du système nerveux dont l’auteur avait ressenti les bienfaisans effets, susciter dans l’organisme toutes les activités qui sont corrélatives au fonctionnement des organes, et qui se déploient pendant les périodes de la jeunesse et de la maturité. Mais ces changemens, on ne les a pas observés.

Voici dix ans que la médication brown-séquardienne a été expérimentée dans le monde entier. Un nombre immense d’applications en a été fait. On a publié les résultats les plus divers et les plus stupéfians : on lui a attribué la guérison de l’ataxie