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inversion d’effets due à une même substance, qui sera, par exemple, excitante et peut-être bienfaisante à une certaine dose, et au contraire paralysante et nocive, à une dose plus élevée. Mais ce n’est pas le moment d’entrer dans un tel examen.

L’opothérapie ne serait donc rien si elle se contentait d’affirmer l’énergie d’action des extraits d’organes, ou seulement une certaine utilité de leur emploi. Ce serait une banalité. S’il y a action, il n’y a que deux sens à cette action : il faut bien qu’elle soit plus ou moins favorable ou défavorable.

L’opothérapie affirme a priori quelque chose de plus, c’est, à savoir, une certaine espèce d’action déterminée des extraits d’organe qui agiraient sur l’économie comme l’organe, s’il était sain, le ferait lui-même et en tiendraient la place. Dans beaucoup de cas, cette affirmation est sans doute une erreur, et c’est pour cela qu’il n’y a pas, dans le vrai sens du mot, une méthode opothérapique générale. Mais, à prendre les choses au pis, cette erreur, si c’en est une, pouvait encore servir la science et l’a servie, en effet, parce qu’elle n’est pas une erreur paresseuse, détournant de la recherche, comme l’étaient les fantômes, les entités, les êtres de raison de la médecine ancienne. Elle a obligé les physiologistes et les médecins à étudier les propriétés physiologiques réelles des sucs auxquels la doctrine en prêtait d’imaginaires.

Mais, elle a mieux que cela à son actif. Il y a des cas certains, quoique peu nombreux, où l’opothérapie est, à quelque degré, ce que son fondateur a cru qu’elle était véritablement, c’est-à-dire une méthode ou une direction d’action. C’est ce qui arrive dans quelques-unes des affections de la glande thyroïdienne ou du pancréas, où le suc remédie vraiment à l’insuffisance de l’organe.

Ces cas ne sont point ceux que Brown-Séquard avait en vue ; d’autres savans en avaient éclairci l’étude. Quant à lui, il avait pris comme projet de départ et comme champ d’action la glande orchitique et le suc de cet organe.

On a vu que l’expérience qu’il avait hardiment tentée sur lui-même avait eu un résultat excellent. Elle était à la fois à l’honneur de ses prévisions et aussi de son courage. D’ailleurs il avait été toute sa vie coutumier de ces hardiesses. Au début de sa carrière il avait exécuté sur lui-même les expériences que Spallanzani, au siècle dernier, avait réalisées sur des corbeaux lorsque, voulant étudier le suc de l’estomac, il faisait avaler à ces oiseaux des éponges attachées par une ficelle qui permettait de les