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l’intérêt les sollicitent à la fois de placer les marchandises étrangères au détriment des nôtres. La renommée même de la Fiance contribue au profit de tous, nous excepté : la contrefaçon de nos marques est une industrie pour nos rivaux. Aucun scrupule national n’empêche leurs intermédiaires, hommes de leur race, de faire, en favorisant ces supercheries auprès de la clientèle qui tient à nos marques, tort à la propriété française ; et l’avantage est grand de livrer au prix français ce qui a coûté beaucoup moins. Tout patent que soit cet abus, les maisons françaises dont le nom est usurpé ne s’inquiètent pas pour si peu. La sécurité de ces contrefaçons donne au public confiance dans l’authenticité des produits, et l’infériorité de ceux-ci, constatée par la portion riche et délicate des acheteurs, contribue à amoindrir la réputation de la France.

Les résultats sont écrits au grand livre du commerce international où chaque peuple a son compte, peut se comparer avec les autres peuples et avec lui-même. Chacun a été récompensé selon ses œuvres. L’Angleterre a gardé son rang, mais non son avance. La France a perdu l’un et l’autre. Au lendemain de 1870, la somme des importations et exportations était pour l’Angleterre de 15 milliards ; pour la France, de 7 milliards et demi ; l’Allemagne n’atteignait pas encore le chiffre de la France. Aujourd’hui l’Angleterre et la France maintiennent malaisément les chiffres d’il y a vingt-huit ans. L’Allemagne est passée de 7 milliards et demi à plus de 10 milliards : elle a accru ses affaires d’un quart, et dépassé de la même proportion les nôtres.

La part de la France diminue surtout dans le Levant. La Turquie importe pour 500 millions et exporte pour à peu près même somme. Les deux puissances qui, en 1870, accaparaient les relations commerciales avec la Turquie, lui achètent aujourd’hui les deux tiers de ce qu’elle vend et lui vendent la moitié de ce qu’elle achète : le reste est la part des nouveaux concurrens. Celle de l’Angleterre et de la France, même réduite, est encore belle, mais fort inégale. L’Angleterre achète encore les 37 p. 100 de ce que la Turquie exporte, et lui vend les 43 p. 100 de ce que la Turquie importe ; la France ne lui achète plus que 27 p. 100 et ne lui vend pas même 11 p. 100 ; les autres peuples lui achètent 34 p. 100et lui vendent 46 p. 100. Donc l’Angleterre achète et vend en proportions à peu près égales, avec un léger excédent de ses ventes sur ses achats. La France achète à la Turquie presque trois