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répression, en Chine, est plus tôt annoncée qu’achevée. Nous savons bien, d’autre part, que les troubles locaux sont chroniques dans cet empire peu gouverné, et qu’ils risquent souvent d’être transformés et grossis par les dépêches qui nous arrivent : il est certain, néanmoins, que les éléments de désordre sont surexcités en ce moment.

À Pékin même, des factions rivales se disputent le pouvoir : les événemens qui s’y sont déroulés au mois de septembre 1898 sont encore mal connus et ne le seront peut-être jamais bien : qui pourrait raconter avec certitude les drames et les comédies qui se jouent entre les murs de la Ville Violette ?

Toujours est-il que l’empereur Kouang-Sou, jeune homme de vingt-cinq ans, au corps débile, et qu’on disait, peut-être à tort, d’esprit faible, avait été gagné complètement à la cause des réformes par un lettré cantonais de la nouvelle école, Kang-You-Weï ; et, procédant avec tout le zèle d’un néophyte, il avait lancé durant l’été une série d’édits absolument révolutionnaires. On a prétendu qu’il avait été jusqu’à revêtir un costume européen ; il aurait aussi formé le projet de se rendre en personne au Japon pour y étudier la transformation accomplie depuis trente ans. Le parti réformateur avait certainement des sympathies japonaises, des sympathies anglaises aussi : ce fut à la légation du Japon que son chef Kang-You-Weï passa sa dernière nuit à Pékin ; toutefois le marquis Ito, l’homme d’État japonais bien connu, semble avoir blâmé la précipitation des novateurs, qui auraient prétendu faire en quelques semaines ce que l’extraordinaire Empire du Soleil-Levant lui-même avait mis plus d’un quart de siècle à achever. Une pareille tentative ne pouvait qu’échouer : elle lésait trop de préjugés, trop d’intérêts et de trop puissans personnages : la plupart des fonctionnaires mandchous, ainsi que Li-Hung-Chang, qui venait d’être disgracié, et l’Impératrice douairière y étaient opposés. Cette dernière, que l’Empereur, — qui est son neveu et non son fils, — prétendit même faire arrêter, résolut de prendre les devans. La grande majorité des mandarins étant, au fond, hostile au mouvement, elle se procura sans peine les instrumens qui lui étaient nécessaires. L’Empereur se trouva un jour prisonnier dans son palais, dut faire amende honorable, et signer un édit qui remettait entièrement le gouvernement aux mains de l’Impératrice douairière. Li-Hung-Chang et tous les mandarins de la vieille école revinrent au pouvoir ; Kang-You-Weï put