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cependant sans y inspirer aussi le respect et peut-être, le premier moment de désarroi passé, s’y trouvait-on disposé à reprendre, dans la mesure du possible, le vieux jeu de bascule entre les diverses puissances européennes. Le lent travail de la diplomatie anglaise pendant toute la durée de 1896 porta ses fruits par la signature de la convention anglo-chinoise du 4 février 1897. Par cet accord, la Chine concédait à la Grande-Bretagne des rectifications de frontières importantes du côté de la Birmanie, lui rétrocédait une partie des États chans, lui reconnaissait le droit d’établir un consul en un point du Yunnan occidental, Manwyne ou Chounning-fou, s’engageait à ouvrir les routes menant à ces points et d’autres encore, et enfin à permettre que les chemins de fer à construire dans le Yunnan fussent reliés au réseau birman. En outre, — et c’était le point le plus important, — un article séparé prescrivait que la rivière de l’Ouest, ou Si-kiang, le fleuve qui aboutit à Canton, serait ouverte à la navigation européenne jusqu’à Ou-tchéou (Woochow) sur la frontière du Kouang-si et du Kouang-toung, à 200 kilomètres de Canton : les deux ports fluviaux de Samshui et de Ou-tchéou devenaient des ports de traité et des concessions pour les Européens y étaient établies.

C’était pour l’Angleterre une revanche de la mortification qu’elle avait dû subir, vingt mois plus tôt, lors de la convention Gérard. Si, dans le Yunnan, en dépit de l’égalité des droits de la Grande-Bretagne et de la France, l’avantage restait à cette dernière, de par les conditions naturelles, qui en rendent l’accès moins difficile du côté du Tonkin que du côté de la Birmanie, l’ouverture de la rivière de l’Ouest était un échec pour la politique française, qui s’y était opposée de toutes ses forces. Par cette voie fluviale, les vapeurs européens — c’est-à-dire en fait presque exclusivement les vapeurs anglais de Hong-Kong — allaient pouvoir d’abord desservir directement la riche vallée inférieure du Si-kiang à travers le Kouang-toung, puis remonter jusqu’à la frontière même du Kouang-si, pour y rencontrer les jonques qui leur apporteraient à peu de frais les produits de cette province et distribueraient les marchandises venues de Hong-Kong jusqu’aux points extrêmes de la navigation sur la rivière de l’Ouest et ses affluens. Or ces points extrêmes sont situés très loin dans l’intérieur, presque aux frontières du Yunnan et du Tonkin, et à Long-Tcheou, à 50 kilomètres de Langson, on voit même, aux hautes eaux, des jonques de Canton. Presque tout le commerce du