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françaises et allemandes offraient d’émettre un fonds 5 pour 100. Les intérêts annuels à payer par le Céleste-Empire étaient donc réduits d’un cinquième, grâce à l’intervention russe ; c’était un bénéfice matériel, mais ce n’en demeurait pas moins une lourde faute politique. En prenant comme garant une puissance étrangère, le gouvernement de Pékin devenait responsable vis-à-vis d’elle seule de la gestion de ses déniées et mettait son indépendance financière et surtout politique en bien plus grand péril que s’il était entré en rapports directs avec des créanciers individuels de nationalités diverses, dont l’action sur lui aurait toujours été affaiblie par les irrémédiables divergences de leurs gouvernemens. On paraît avoir senti le danger à Pékin, puisqu’on ne s’y décida que le jour de l’expiration du dernier délai fixé par la Russie, et sous une pression énergique, à signer l’arrangement financier qu’elle proposait ; mais, n’ayant sans doute trouvé d’appui nulle part, on dut se résigner.

Continuant à marcher dans la voie où elle avait trouvé tant de succès et à appuyer sa politique en Chine sur son action financière, le gouvernement de Saint-Pétersbourg favorisa, avec l’aide de la Banque de Russie, la formation de la Banque russo-chinoise ; comme pour l’emprunt, les établissemens de crédit de Paris fournirent la plus grande partie du capital, mais la direction fut essentiellement russe. Le Comptoir d’escompte de Paris lui céda ses agences en Chine, et elle installa aussitôt des succursales à Pékin, Tientsin, Shanghaï et Hankéou. Cette banque n’a cessé depuis lors d’être le principal agent de l’influence russe en Chine. Dès l’abord, ce fut par son intermédiaire que la Russie négocia la concession du chemin de fer de l’Est chinois qui lui permettait de dévier son Transsibérien vers le Sud à travers la Mandchourie : outre qu’elle raccourcissait de quelques centaines de verstes le tracé primitif, la nouvelle voie avait l’avantage de passer à 500 verstes seulement au nord du golfe de Petchili, et l’autorisation de faire protéger les travaux par ses troupes faisait de la Russie la véritable maîtresse de la Mandchourie ; de là, elle dominait déjà Pékin, en attendant que les circonstances, qu’escomptait peut-être déjà un traité secret, lui permissent de s’établir dans le Liao-toung.

Tandis qu’elle se faisait largement payer de ses services par la Chine, la Russie ne se montrait pas moins active en Corée. Les Japonais, qui occupaient ce pays, avaient commis fautes sur fautes.