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II

Dans les événemens qui se sont écoulés depuis la guerre en Extrême-Orient et qui ont amené la situation au point où elle en est, il faut distinguer deux phases que sépare le coup de force de Kiao-Tchéou. La première s’étend du printemps de 1895 à l’automne de 1897 : c’est celle où les puissances venues au secours de la Chine se sont fait rémunérer leurs bons offices en agissant encore avec quelque discrétion apparente.

De toutes les conséquences immédiates de la guerre, la constitution d’une forte dette extérieure était la plus grave. Auparavant la Chine n’avait contracté en Europe que des emprunts insignifîans, de quelques millions de francs ; durant les hostilités, ses engagemens vis-à-vis des étrangers s’élevèrent à 170 millions de francs ; c’était relativement peu encore, et les prêteurs avaient un gage excellent dans les recettes des douanes, perçues par des Européens, qui se chiffrent annuellement par plus de 80 millions de francs ; mais, maintenant que l’indemnité de guerre et diverses dépenses urgentes de reconstitution exigeaient 1 200 millions, le service des intérêts de cette dette, en admettant que le taux fût de 5 pour 100, — et l’on ne pouvait guère espérer moins, — absorberait 60 millions ; en y joignant les arrérages des emprunts déjà existans, on atteindrait 70 millions environ, c’est-à-dire bien près du revenu des douanes. Or, les droits de douane sont perçus en argent ; pour pouvoir placer en Europe un emprunt considérable, il est absolument nécessaire, au contraire, de stipuler que les intérêts en seront payés en or. On peut donc se demander si, en présence d’une marge aussi faible, les fluctuations du cours de l’argent qui ont fait baisser déjà le taël hai-kwan de 8 fr. 25, il y a un quart de siècle, à 3 fr. 73, cours moyen de 1897, ne rendront pas quelque jour les recettes douanières insuffisantes pour assurer le paiement des arrérages. Personne ne se souciant en Europe de prêter à la Chine sur ses ressources générales, il en résultait qu’elle devrait fatalement être conduite à assigner à ses créanciers de nouveaux gages et à remettre aux mains d’administrations européennes la perception de nouvelles branches de revenus. D’autre part, privée de 60 à 70 millions de recettes sur un budget total que les évaluations les plus optimistes portent à 600 millions, elle aurait à chercher de nouvelles ressources, qu’elle pourrait se