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Enfin le Roi, voulant donner une marque éclatante de la confiance qu’il mettait dans la maturité et le jugement de son petit-fils, l’appelait à siéger au Conseil des Dépêches, c’est-à-dire au conseil où se traitaient les affaires intérieures du royaume[1]. C’était par ce conseil que débutaient les princes avant d’avoir entrée au Conseil des Finances et au Conseil des Affaires ou Conseil d’en Haut. Monseigneur faisait naturellement partie du Conseil des Dépêches, mais il se dispensait assez souvent d’y assister. Le duc de Bourgogne y était admis beaucoup plus jeune que ne l’avait été son père : mais, dans les premiers temps, il ne devait point avoir ce qu’on appelait « l’opinion, » c’est-à-dire qu’il se bornerait à écouter, sans donner son avis. Ce n’en était pas moins une première et directe participation aux affaires de l’État. Aussi le duc de Bourgogne fut-il très sensible à cette nomination qui le dégageait définitivement des lisières dont sa jeunesse avait été entourée. Ce fut le 26 octobre qu’il prit séance, et le Roi, toujours attentif à l’éducation de son successeur, donna quelque solennité à cette séance. Avant que le Conseil n’entrât en matière, il lui parla, rapporte Dangeau, « sur les affaires du dedans du Royaume ; il lui donna les instructions les plus sages et les plus pleines d’amitié qui se puissent. Monseigneur le duc de Bourgogne a paru fort touché, et, durant le Conseil, fut très attentif, comme un homme qui veut profiter de ce que le Roi lui a dit et de ce qu’il peut apprendre dans le Conseil. »

Ces derniers jours d’octobre marquent donc, à tous égards, le point de départ d’une nouvelle étape dans l’existence de ces deux jeunes êtres que nous avons entrepris de faire revivre. Il avait dix-sept ans. Elle en avait quatorze. À nos yeux modernes il était encore un adolescent, elle était encore une enfant. Mais pour la Cour il était devenu un homme, elle était devenue une femme, et ils entraient à pleine voile dans la vie. Une prochaine étude retracera les années heureuses de cette vie, jusqu’au moment où elle fut assombrie par les malheurs de la France et par leurs propres disgrâces.


HAUSSONVILLE.

  1. Sur les Conseils sous Louis XIV et en particulier sur les attributions du Conseil des Dépêches, voyez les savantes notices de M. de Boislisle, dans son édition de Saint-Simon, t. V, p. 464 et suiv.