lorsque, l’insurrection et la guerre ayant éclaté, l’Europe s’efforçait de les localiser, tous les gouvernemens, à Londres, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, à Rome, à Paris, ont tenu le même langage. Ils ont affirmé qu’on ne pouvait pas laisser la main de la Grèce s’étendre sur la Crète, sans s’exposer à voir les autres petits royaumes ou principautés balkaniques s’agiter aussitôt en vue de s’assurer des compensations. Le danger était-il aussi réel qu’ils le croyaient ? La Crète, en somme, est une île de l’archipel hellénique ; elle n’appartient pas au système des Balkans ; elle ne fait pas naturellement partie de l’équilibre qui s’y forme, et que la diplomatie s’efforce de maintenir tel quel, dans la crainte que le moindre changement n’ébranle tout l’édifice et ne le fasse crouler. Il a pourtant fallu tenir compte, à cette époque, d’un avertissement qui était donné dans les mêmes termes par toutes les chancelleries. Dans quelle mesure il était fondé, peut-être ne le saurons-nous jamais avec certitude. Même si l’insurrection éclate en Macédoine, il sera très difficile de distinguer et d’apprécier, parmi les causes du phénomène, celles qui se rattacheront à la rivalité des autres races, désireuses de prendre leur revanche de l’accroissement territorial à moitié obtenu par la Grèce, et celles qu’aura fait naître le simple instinct d’imitation. Pourquoi ne pas recommencer en Macédoine ce qui a si bien réussi ailleurs ? L’Europe y fera obstacle peut-être, mais ne sait-on pas le moyen d’entraîner l’Europe et de la faire marcher ? Sans doute elle aime son repos, et elle éprouve d’abord un vif mécontentement contre les agités qui le troublent ; mais elle est sensible et débonnaire, et, quand le sang a coulé, son émotion la dispose à tous les sacrifices : d’autant plus qu’elle les demande finalement à la Turquie.
En lisant le Mémoire adressé par le Comité macédonien aux représentai des puissances à Sofia, on est frappé de l’analogie que ses auteurs s’efforcent d’établir entre la réalisation de leurs projets et les projets déjà réalisés en Crète. Les affaires de Crète ont été pour eux la répétition générale d’une représentation dont le succès leur paraît d’autant mieux assuré qu’ils se conformeront plus scrupuleusement à l’exemple donné. Voici d’ailleurs l’analyse de ce Mémoire ; on la trouvera peut-être intéressante. — Pendant cinq siècles, les chrétiens de Macédoine ont lutté contre la tyrannie turque pour conserver leur foi. Aujourd’hui que la Grèce, la Roumanie, la Serbie, la Bulgarie, ont été délivrées du joug ottoman, la Macédoine, qui contient deux millions de chrétiens, y est encore soumise. C’est au nom de ces chrétiens que le Comité s’adresse à l’Europe civilisée. La Porte avait promis des réformes