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mais son respect n’est pas moins grand pour le droit du Mahdi. Il ne voudrait pas disputer au khédive la plus faible parcelle de territoire, mais il permettra d’autant moins qu’on conteste les possessions du khalife qui s’en déclare plus directement l’héritier. Un jour quelconque, il faudra bien faire un départ entre tous ces territoires, puisque l’autorité de l’Angleterre s’exercera à des titres un peu différens sur les uns et sur les autres. Ce jour n’est pas encore venu, à en juger par les savantes obscurités du discours de lord Salisbury. Tout ce qu’on peut savoir, c’est qu’à ses yeux il n’existe pas d’autre droit au Soudan que ceux du khédive et du khalife : il ne s’explique pas sur celui de la Porte, et il nie formellement celui de toute autre puissance. C’est d’après ces principes que l’Angleterre espère résoudre les questions complexes qui ont été posées par la bataille d’Omdurman.


Au moment de l’année où nous sommes, il n’est pas rare d’entendre parler de la Macédoine, et on ajoute volontiers qu’à la fonte des neiges, elle ne manquera pas d’entrer en insurrection. Le plus souvent, ces nuages noirs disparaissent de l’horizon après l’avoir obscurci plus ou moins longtemps ; mais il faut toujours les surveiller. La Macédoine est naturellement inflammable ; la moindre étincelle suffirait à y allumer l’incendie. L’exemple de ce qui s’est passé pour la Crète est d’ailleurs de nature à encourager les imprudences, malgré les conseils de l’Europe, et malgré même son opposition formelle à tout mouvement révolutionnaire. N’a-t-on pas vu, il y a quelques mois, la Crète se révolter, sous prétexte que les promesses qui lui avaient été faites n’étaient pas tenues ? N’a-t-on pas vu la Grèce s’intéresser à son sort, et bientôt se jeter dans la guerre pour venir le partager ? Les puissances ont protesté, ont blâmé, se sont fâchées. L’aventure a mal commencé pour la Grèce, puisqu’elle a été battue aussi complètement qu’on peut l’être, mais elle a bien fini. L’Europe a brusquement arrêté l’armée ottomane, lorsqu’elle a jugé suffisante la leçon reçue par la Grèce. Elle s’est chargée elle-même des destinées de la Crète, et, après un certain nombre de péripéties dont l’histoire est d’hier, elle a confié le gouvernement de l’île à un prince hellène, sur lequel elle s’est généreusement déchargée de tous ses pouvoirs ; les élémens turcs, aussi bien militaires que civils, ont été expurgés ; et, pour peu que le prince Georges montre quelque habileté et la Grèce quelque patience, la Crète deviendra, dans un temps donné, une province hellénique. Les faits sont en bonne voie d’accomplissement. Reste à savoir quel contre-coup s’en fera sentir dans les Balkans. Au cours des derniers événemens, et