ces discours, le seul qui ait eu quelque intérêt pour nous est celui de lord Salisbury. La péroraison en est plus oratoire que ne l’est habituellement l’éloquence parlementaire de nos voisins. Lord Salisbury, tout en constatant que le danger de guerre s’est atténué, dit qu’il existe encore, et il invite ses compatriotes à se tenir prêts à tout événement. C’est un conseil qui est bon à suivre dans tous les pays, et dont les auditeurs de lord Salisbury ne seront sans doute pas les seuls à profiter. Malgré cet air de bravoure, son discours est pacifique. Peut-être l’aurait-il été un peu moins, si le Parlement s’était réuni plus tôt, au moment où tous les hommes politiques de l’Angleterre se livraient devant leurs électeurs à des exercices de rhétorique dont les échos sans cesse renouvelés ont fini par émouvoir l’Europe. Cette période est finie, et le ton d’aujourd’hui est heureusement changé
En revanche, il n’y a aucun changement dans les explications de lord Salisbury sur le Soudan égyptien : ce sont celles de ses Livres Bleus, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient toujours très claires. On ne voit pas plus, après l’avoir entendu qu’après l’avoir lu, où commence et où finit le Soudan : on ne sait même pas ce qui autrefois en a appartenu au khédive et ce qui en a appartenu au Mahdi. Mais, dans la pratique, cela importe peu à l’Angleterre, puisque son autorité s’étend sur la première partie du Soudan en vertu de son alliance avec le khédive, et sur la seconde en vertu de sa conquête sur le Mahdi. Lord Salisbury continue d’invoquer successivement ces deux droits ; il passe de celui-ci à celui-là, suivant l’occasion ; il paraît même jouer de cette alternative avec une virtuosité où il se complaît. Mais ses préférences sont pour le droit de conquête, et il ne s’en cache pas. Ce qui lui plaît le plus dans ce droit, c’est son extrême simplicité. Tous les autres ne vont pas sans quelque discussion, tandis que le droit de conquête porte en lui-même sa justification et son autorité. C’est, dit lord Salisbury, le moins compliqué de tous, le plus facile à faire entendre, enfin le plus ancien. Si l’antiquité est nécessairement vénérable, le droit de conquête l’est en effet, car il remonte à la barbarie la plus reculée, et on le retrouve sans altération appréciable aux époques de la civilisation la plus raffinée. Lord Salisbury a pour les commodités qu’il offre une inclination marquée, et on se demande parfois s’il n’aimerait pas mieux tout devoir à la conquête, et rien, ou le moins possible, à son entente avec l’Égypte. Tantôt il assure que le Soudan appartenait presque tout entier à l’Égypte, et tantôt qu’elle n’en a jamais possédé qu’une minime partie. Certes, il proteste d’un respect absolu pour le droit du khédive,