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soit ; on l’étend, on la développe, on la fortifie, nous le voulons bien : par ces circonlocutions le mal est à peine atténué. Aussi ne sommes-nous pas surpris qu’un grand nombre de bons esprits aient repoussé la loi qu’on leur présentait. Et pourtant les choses en étaient venues à ce point, la confusion était si grande, on avait laissé un tel désordre s’introduire partout, la complaisance des uns et la faiblesse des autres avaient créé une situation si obscure, qu’il est impossible de dire s’il n’y aurait pas eu plus d’inconvéniens immédiats au rejet de la loi qu’à son vote. « L’affaire, » alors, aurait été sans issue.

Nous souhaitons à la Cour de cassation un meilleur sort que ne l’a eu sa chambre criminelle. Mais il n’y a certainement pas une institution au monde, pas plus d’ailleurs qu’il n’y a un homme, — quelque respectable que soit l’institution, quelque sûr de sa probité et de son indépendance que l’homme puisse être, — qui soient capables de résister à certaines campagnes d’opinion, telles qu’on les mène aujourd’hui. C’est une affaire de temps. De même qu’une place assiégée finit toujours par succomber si elle est réduite à ses seules forces, institutions et hommes sont condamnés d’avance, si ceux qui ont la charge de les défendre ne remplissent pas ce devoir. Après quelques expériences du genre de celle que nous venons de traverser, on fixera presque à coup sûr la durée possible de leur résistance. Puisse la Cour de cassation résister assez longtemps, ou plutôt conduire « l’affaire » assez vite pour échapper à la disgrâce qui la menace ! Certains journaux n’ont même pas attendu qu’elle fût saisie pour commencer à la battre en brèche. Cela promet. Depuis une année, nous assistons a un assaut en règle contre nos institutions : c’est tantôt l’une et tantôt l’autre qui est en cause, mais toutes y passent. Presque chaque jour on a la sensation de voir tomber un large pan de mur : il en résulte une poussière aveuglante. On se demande si une nation peut se soutenir longtemps elle-même, au milieu de ces démolitions bruyantes et brutales de tout ce qui a fait jusqu’ici sa force et sa sécurité.


La rentrée du Parlement anglais, qui aurait sans doute été un événement il y a quelques semaines, n’est plus aujourd’hui qu’un incident. Le discours de la Reine a paru terne. La discussion de l’adresse dans les deux Chambres a fourni à l’opposition et au gouvernement l’occasion d’échanger, sur la politique extérieure, quelques vues où ils n’ont pu découvrir l’un et l’autre rien de bien nouveau, et qui leur a seulement permis de constater leur parfait accord. De tous