A dire vrai, nous en doutons de la part de quelques-uns, à tort peut-être, l’expérience le prouvera. S’ils ont des motifs avouables pour traiter la Cour plénière autrement qu’ils n’ont traité la chambre criminelle, il faudra qu’ils les donnent. S’ils ne les donnent pas, on saura à quoi s’en tenir. Nous comprenons qu’ils aient attaqué le projet de loi dans son opportunité ; nous ne comprendrions pas qu’ils l’attaquassent dans son principe, et encore moins dans les personnes qui vont être chargées de l’appliquer. L’épreuve qui se prépare aidera sans doute à comprendre plus d’une attitude et à voir le dessous de plus d’une conscience, et qui sait si le spectacle ne sera pas plus instructif qu’édifiant ?
Passons au gouvernement et au parlement. C’est revenir à la politique : on s’était flatté de lui avoir arraché « l’affaire ; » on la lui a rendue. La loi présentée par le gouvernement a incontestablement un caractère politique, et la preuve en est dans la première ligne de l’exposé des motifs, qui invoque l’état de l’opinion : le reste se perd, il est vrai, dans des considérations de droit abstrait. Le ministère a traversé deux états d’esprit. Il n’a pris, ni tout de suite, ni le premier, l’initiative d’une loi en vue de modifier la juridiction déjà saisie de la demande de révision. C’est un sénateur, M. Bisseuil, ce sont deux députés, MM. Rose et Gerville-Réache, qui ont déposé sur les bureaux de leurs Chambres respectives des propositions dans ce sens. Elles différaient sur quelques points, mais, du plus au moins, l’inspiration en était la même. Il s’agissait, tantôt de dessaisir complètement la chambre criminelle, sous prétexte qu’ayant fait l’instruction de l’affaire elle n’était plus apte à la juger, et tantôt de lui adjoindre les deux autres chambres de la Cour, de manière à opérer ce qu’on a appelé par euphémisme une extension de juridiction. Le gouvernement était alors opposé à tous ces projets et annonçait la ferme volonté de les combattre : il les qualifiait durement, et il n’était pas en peine, au cours des conversations qui s’échangeaient dans les couloirs, de montrer tout ce qu’ils avaient d’inévitablement arbitraire et de dangereux. C’est alors, et en partie sous cette influence, qu’a été élue la commission chargée d’examiner les propositions de MM. Rose et Gerville-Réache : elle leur était hostile à l’unanimité. Le gouvernement a depuis changé d’avis. Pourquoi ? Comment ? On le lui a demandé ; sa réponse a été souvent embarrassée, rarement satisfaisante. Il a parlé de l’état des esprits, comme si la magistrature, avec toutes les garanties dont est entourée son indépendance, n’était pas faite, précisément, pour arracher une affaire aux influences de la place publique, et pour la maintenir dans