idée, durée, habitude. Elle n’a d’autre objet, d’autre foi qu’elle-même. » Elle ne se domine et ne se dépasse pas. « L’art pour l’art, voilà sa formule suprême. D’où son manque d’unité, sa démarche inégale et sans suite. Elle porte en elle des forces mystérieuses, qui, rassemblées et dirigées vers un but, soulèveraient le monde. Mais ce but, où est-il ? Où donc est le point d’appui, où le lien entre les sensations innombrables et les innombrables mélodies qui les représentent ? Comme Faust, la musique italienne a parcouru tout l’univers ; mais le centre, mais l’âme, mais le Dieu de cet univers, elle ne l’a jamais connu. »
Pour représenter intégralement cette musique, pour en être en quelque sorte le symbole personnel, vivant et parfait, mais aussi le dernier symbole, il fallait un homme. Rossini parut. Il fut la mélodie elle-même, la mélodie libre et souveraine. Il fut, dit Mazzini, le géant, « le Napoléon d’une époque musicale. » Mais, si grand que Mazzini voie son illustre compatriote, il le mesure pourtant et le définit : « Il ne faut ni méconnaître ni exagérer la part de Rossini dans le progrès de la musique ; sa mission n’excède pas les bornes d’une période qui nous paraît aujourd’hui finie ou finissante. Cette mission était de conclure et non d’inaugurer. Il n’a ni détruit ni changé le caractère ancien de l’école italienne ; il l’a consacré à nouveau. Il n’a pas introduit un élément inconnu ; il a porté l’élément qui dominait au plus haut degré possible ; il l’a poussé jusqu’à ses dernières conséquences ; il l’a réduit en formule et replacé sur le trône d’où les pédans avaient prétendu le chasser, sans songer seulement qu’en abolissant un régime, on s’oblige à le remplacer par un meilleur. »
L’œuvre de Rossini, voilà pour Mazzini le dernier sommet du génie italien. « L’individualité siège sur cette cime ; l’individualité libre, effrénée, fantastique, ayant pour expression la mélodie brillante, déterminée, évidente comme la sensation même qui l’a suggérée. Chez Rossini, tout est apparent, défini, saillant… On dirait que les mélodies rossiniennes sont taillées en relief… Cette musique sans ombre, sans mystère, sans clair-obscur exprime des passions décidées, énergiquement ressenties… Mais les nuances et les degrés, les transitions et les alentours, l’enveloppe ou l’atmosphère du monde invisible, cela, dans la musique italienne, est peu de chose ou n’est rien… Rossini, et avec lui l’école italienne qu’il résume, représente l’homme sans Dieu, les puissances individuelles sans une loi suprême qui les rassemble, sans une