choisi pour le héros d’un drame, — a ses tendances propres, son caractère particulier, son style à lui. Toute vie est le développement d’une idée. Pourquoi ne pas figurer cette idée par des traits musicaux réservés à ce personnage et à lui seul ?… Pourquoi ne pas se servir plus souvent, et avec plus de soin, de l’instrumentation, afin de symboliser, par des accompagnemens enveloppant les personnages, cet ensemble d’affections, d’habitudes, d’instincts, d’inclinations matérielles et morales, qui le plus souvent agissent sur lame, la déterminent à vouloir, et prennent une part si grande à l’accomplissement de la destinée, aux suprêmes délibérations d’où résulte l’acte particulier qui est représenté. Pourquoi pas plusieurs espèces de mélodies, s’il y a plusieurs sortes de personnages ? Pourquoi ne pas recourir à une phrase musicale, à quelques notes fondamentales et caractéristiques, pour exprimer la tendance qui domine et l’influence maîtresse ? »
Rien ne manque plus à la prophétie. Le leitmotiv même est prédit, et, par un hasard étrange, il n’y a pour ainsi dire pas une vérité de la foi nouvelle, de cette foi tout allemande, dont un Italien n’ait senti l’approche mystérieuse et donné d’avance l’exacte définition.
Leitmotiv, récitatif obligé ou mélodie infinie, tout cela ne constitue en quelque sorte que l’extérieur ou la forme de la musique, et la forme est chose secondaire et changeante. Mazzini s’est flatté d’aller plus avant, de saisir le fond éternel et l’essence même. Ici encore le socialiste reparaît et la théorie politique trouve dans la thèse musicale son application ou son prolongement. Avec une assurance, une netteté peut-être plus favorable aux spéculations esthétiques que conforme à la réalité, Mazzini coupe la musique en deux : il range d’un côté la mélodie ; l’harmonie de l’autre. Il tient la première pour la représentation de l’individu ; il fait de la seconde le signe du nombre. Ainsi se vérifie pour lui, dans l’ordre de la musique, la grande loi d’antagonisme ou d’équilibre à laquelle le monde entier est soumis. « Deux principes éternels régissent toutes choses ; ils opèrent constamment et l’emportent tour à tour dans tous les problèmes qui préoccupent depuis des milliers d’années l’intelligence des hommes. En toute question, deux élémens surgissent et s’opposent l’un à l’autre ; leur double développement sur deux lignes convergentes forme, de siècle en siècle, toute la matière de l’histoire. Ces deux élémens s’appellent l’homme et l’humanité, la