Quand on ne maîtrise pas, à l’aide d’un travail soigné, l’envahissement des plantes adventices, la récolte s’amoindrit. Je me rappelle avec quelle véhémence Georges Ville racontait qu’un régisseur indolent n’ayant pas combattu énergiquement les envahisseurs, les abondantes fumures distribuées avaient conduit seulement à récolter « des tombereaux de mauvaises herbes. »
Il faut donc les détruire, il faut sarcler, biner ; l’expérience enseigne qu’aucun travail n’est plus efficace. Mais, pourquoi l’est-il ? Un dicton populaire nous l’indique, il dit : « Deux binages valent un arrosage. » Si, comme d’ordinaire, ce proverbe est juste, s’il résume en quelques mots une longue suite d’observations, il nous apprend que le binage, qui n’apporte pas d’eau nouvelle, économise celle qui est emmagasinée et protège nos réserves.
On a cru longtemps qu’en brisant avec la houe la couche superficielle du sol, en y détruisant la capillarité, on empêchait l’eau d’arriver jusqu’à la surface où elle s’évapore. Pour vérifier cette hypothèse, on a exécuté des expériences nombreuses et variées ; sous le climat de Paris, elles ont complètement échoué. On n’a pas trouvé plus d’eau dans une terre nue, binée avec soin, que dans une autre qui n’avait pas reçu te travail. Quand on compare, au contraire, deux terres voisines : l’une, couverte de végétaux ; l’autre en jachère, on trouve des différences considérables ; la terre nue est toujours plus humide, et il ne peut en être autrement. Il ne faut jamais oublier combien est énorme la transpiration des plantes herbacées : pendant le temps qu’elles élaborent 1 kilogramme de matière sèche, elles rejettent dans l’atmosphère de 250 à 300 kilogrammes d’eau. Nous venons de voir que l’ameublissement de la terre a surtout pour effet d’y assurer un ample approvisionnement d’humidité, il importe, au plus haut point, de le réserver aux plantes cultivées ; nous devons les défendre énergiquement contre les convives imprévus qui viennent partager avec elles les réserves péniblement acquises. Si nous sommes négligens et que nous laissions s’installer ces hôtes avides : chardons, chiendent, etc., nos betteraves sont réduites à la portion congrue ; binons, au contraire, détruisons ces mauvaises herbes, et nous réservons pour nos récoltes toute l’humidité que le sol renferme. Débarrassées à deux reprises de ces consommateurs, nos plantes prospèrent comme si elles avaient reçu de l’eau d’irrigation, et c’est ainsi que l’on peut dire : « Deux binages valent un arrosage. » Nous arrivons donc toujours aux mêmes conclusions, toujours