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Ainsi, une terre bien travaillée se charge de plus d’eau qu’une terre tassée, elle enrichit infiniment plus son sous-sol et, naturellement, perd beaucoup moins par évaporation.

Les expériences, que je rapporte ici un peu longuement, car elles me paraissent de nature à préciser Futilité du travail du sol, ont aussi porté sur une terre légère, et tout d’abord elles ont conduit à des résultats analogues aux précédens ; mais au cours des observations, il s’est produit un fait curieux : du 5 au 13 février 1898, la terre a reçu 251 centimètres cubes d’eau de pluie et a laissé couler 295 centimètres cubes d’eau de drainage ; plus, par conséquent, qu’il ne lui en est arrivé.

A priori, ce résultat paraît invraisemblable, puisqu’il montre qu’après la pluie, la terre retient moins d’eau qu’elle n’en contenait avant l’averse, ou encore, que sous l’influence de la pluie la terre s’est desséchée. On n’était pas cependant victime d’une illusion ; on avait déjà observé en 1892 que la pluie tombée du 2 au 12 novembre, représentant seulement 59 mm, 4, l’eau de drainage, écoulée d’une case de végétation laissée en jachère, atteignait 61 mm, 5. Pour comprendre comment les choses se sont passées, il faut se rappeler qu’une terre ameublie est très poreuse, qu’elle présente de nombreux espaces vides ; les particules ne s’y touchent que par quelques points, elles sont dans un état d’équilibre instable, que la pluie détruit. Quand elle est prolongée, elle tasse la terre, le volume de celle-ci diminue, ses particules s’écroulent et comblent les espaces vides, l’eau en est chassée, comme elle l’est d’une éponge qu’on presse dans la main.

Cette observation montre clairement que l’ameublissement n’est pas durable, il disparaît sous l’influence des pluies prolongées. En 1896, j’ai trouvé qu’une terre qui contenait 30 volumes d’air sur 100 après quelques pluies légères, n’en renfermait plus que 20 quand elle eut reçu de copieuses averses. Elle était donc infiniment plus tassée, moins poreuse après la pluie qu’avant. C’est précisément parce que la pluie détruit l’ameublissement obtenu par l’emploi des instrumens que tous les ans il faut le rétablir et que le travail du sol est incessant. Quand une terre a été bien travaillée, elle garde cependant une certaine perméabilité ; ainsi la terre meuble de l’expérience précédente laissa couler dans le sous-sol 64, 4 centièmes de l’eau tombée, contre 30 centièmes qui traversèrent la terre systématiquement tassée. En travaillant la terre, on lui permet d’absorber une grande quantité